dimanche 20 mai 2018

Journal de bord d'un objet du quotidien

Temps d'écriture : 15 minutes

JOURNAL D'UN OBJET FAMILIER : LE TROMBONE


Lundi 8 mars : Je viens de voir le jour dans une usine d'Elancourt. On a produit un fil démesuré qu'on a ensuite découpé. Une machine s'est occupée de me plier pour me donner la forme que tout le monde connaît.
Je regarde autour de moi : la tête rébarbative de l'employé chargé des vérifications, le rouge d'un extincteur, là-bas. Je tombe et glisse dans un petit carton.


Lundi 15 mars : le temps me paraît bien long. On m'a serré, tassé avec d'autres dans une boîte agglutinée avec d'autres boîtes dans un carton au fond de l'entrepôt.


Mardi 16 mars : Un fournée après l'autre, les cartons de boîtes s'en vont, chargés dans des camions. J'en apprends un peu plus sur mon destin : je serai affecté à un écolier, à un ou une employé (e) de bureau.


Mercredi 17 mars : C'est enfin mon tour de partir. Long trajet en camion, puis les bruits de la ville. Par un interstice, j'aperçois les lettres pap...et rie. Qu'est-ce que cela peut bien vouloir dire ?


Jeudi 18 mars : Ca y est, je suis sorti, enfin ma boîte, qui est posée sur un rayonnage en compagnie d'autres fournitures, des gommes, des taille-crayons, du Tippex. Ma boîte est bleue, c'est ce que j'ai entendu le vendeur répéter à plusieurs reprises.


Vendredi 19 mars : C'est un vieil homme qui nous a finalement achetés. Il a placé la boîte sur le rebord du buffet et y puise, en passant, pour maintenir ensemble deux feuilles, trois, voire tout un dossier.
Seul problème il fume la pipe : j'ai déjà pu observer un ou deux de mes frères trombones dépliés...et utilisés pour nettoyer son horrible bouffarde. Les pauvres !
Le pire, c'est qu'ils atterrissaient dans le cendrier; puis dans la poubelle.


Lundi 22 mars :  Le noir partout. Je suis dans une enveloppe adressée à la Sécurité Sociale, ai-je lu. Mon dossier va être traité, c'est sûr, mais quand ?


D'après ce que m'a sussuré un collègue, je devrais avoir un ou deux mois de tranquillité. Au moins.

Fantasio

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JOURNAL D'UN OBJET FAMILIER : LE STYLO
Je suis d'un haut lignage et la pureté de ma forme, la douceur de mon toucher sur la page vierge ou déjà souillée par le péché originel, mon nom est le prestigieux et le plus élevé des sommets européens. Je suis un stylo pure race, le stylo mont blanc.

            Je ne vais pas dans n'importe quelle main de peur d'être souillé, torturé, écœuré. La main qui me tient doit être pour le moins savonnée et récurée à fond. Point de souillure sur la perfection de mon être. Je ne sonde pas l'esprit de mon propriétaire mais ai mon idée, à force d'écriture, sur la qualité stylistique et didactique du texte écrit d'une main tremblante ou ferme, sure d'elle-même ou apeurée,  tonitruante ou insinuante. Mais je n'ai pas mon mot à dire, même s'il me semblerait justifié, mon possesseur est le maître incontesté de ses écrits et de ses ressentis. Parfois, épuisé, après une course haletante sur les pages violées dans leur blancheur initiale, je souhaiterais m'arrêter pour souffler un peu, mais parfois rien n'y fait, mon maestro est en pleine crise d'expression et continue à un rythme effréné jusqu'à ce qu'enfin, épuisé lui-même, il ne s'arrête enfin. Tous les deux, hagards d'avoir noirci tant de mots sur tant de feuilles, nous nous regardons, hébétés. Il me caresse doucement, langoureusement, me tourne avec émotion dans sa main ankylosée, me remercie dans un regard  noyé de tendresse, d'avoir permis avec tant de douceur et de fidélité la tâche qu'il s'était assignée. Je me repose maintenant, couché dans mon écrin et ne tarde pas à m'endormir.
André


Compartiment secret


Ecrire un texte avec des mots choisis par les participants (bleu, incertitude, charismatique, saumon, club au thon, rideau), dont le titre du texte doit être "Compartiment secret"
Temps d'écriture : 15 minutes


Les années 40, un manoir anglais sous la pluie. Toujours la même incertitude sur le temps du lendemain : c'était d'ailleurs le sujet de conversation favori de Lord Hasting, le maître de maison  et de ses hôtes. Ce soir-là, après un dîner frugal, club au thon et whisky, on se réunit dans le salon bleu. Il y avait là, Mrs Jones, la chérie de Lording depuis le départ de Lady Hasting, un journaliste du "Times", William Mortimer et Anthony Bell, le célèbre policier à la retraite.
On prit place dans les fauteuil saumon et la conversation s'engagea.
Sur quel sujet ? Bien évidemment sur le feuilleton hebdomadaire que publiait le "Saturday Evening" : des espions, une histoire d'amour impliquant la belle héroïne, des voyages en train, des documents cachés... tout ceci formait le fond de ce feuilleton dont le titre était, j'ai oublié de le dire : "Le compartiment secret".
Le journaliste du "Times" se vantait d'avoir deviné la fin. Le policier, en quelques arguments tirés de son expérience, balaya ces divagations.
Lors Hasting tempêtait...et relançait le débat.
Seule, Mrs Jones ne disait rien; espionne pour le compte de l'Allemagne, elle savait bien, elle, que les compartiments secrets ne servent à rien : il suffit de cacher un document sur une armoire, derrière un rideau ou dans une soupière.


C'était simple, il suffisait de relire "la lettre volée", d'Edgar Allan Poe !

Fantasio



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Bleu

Mon incertitude est bleue
Bleu
Comme ce rideau rouge qui tombe sur les derniers applaudissements enthousiastes des spectateurs
Bleu
Comme ce saumon argenté Ô combien charismatique
Qui se rêve en club au thon dans l'assiette jaune
Bleu
Comme ce compartiment secret de mon cœur fermé à double tour
Dont la clé verte a été jetée ...

Ziza



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Quel voyage j'entreprenais alors que je mangeais voracement mon club au thon,affamé,famélique comme un saumon exténué remontant dans un voyage périlleux et exténuant vers la mer Baltique. Le bleu de mes yeux se noyait dans le bleu de la mer, nous ne faisions plus qu'un, fusionnel et émotionnel.

            Le rideau sombre de mon esprit s'écarta légèrement dans une incertitude troublante, révélant la part charismatique de mon être intérieur, lumineuse et claire comme la mer se baignant avec extase dans les rayons fulgurants d'un soleil éclatant. Puis le rideau s'ouvrit un peu plus encore, révélant alors la nuit obscure de mon esprit apeuré par tant d'opacité. Cela remuait, bougeait, bourdonnait, les neurones circulaient avec vélocité dans les méandres des synapses dans une course effrénée et affolée, dans une course à la vie et à la mort sous forme de montagne russe entre mon cerveau conscient et mon inconscient. Je m'accrochais à la barre de mes quelques certitudes dans les descentes vertigineuses et reprenais confiance dans les montées, lentes et rassurantes.

            Je refermai le rideau, j'étais épuisé mais me promis de le rouvrir à la prochaine occasion, pour tenter d'orienter et de guider un tant soit peu par cette course folle, cette course à la vie.

André



Sur une note de musique ...


Choisir une note de musique dans la gamme et écrire un texte comportant la sonorité choisie ...

Temps d'écriture : 10 minutes

Si j'étais une note

Je choisirais la note "si"
Cette jolie syllabe
Se niche au creux de nobles mots
Comme silence
Comme diversi
Comme cinéma
Comme simplissime
Comme droit de ci
Comme citoyenneté
Si ...
Comme si je devais choisir  à nouveau une note dans cet exercice d'écriture
Mon choix ne se porterait pas sur cette difficile syllabe "si" ...
Dont la signature sonore siffle à mes oreilles un délicieux chant des sirènes...

Ziza