lundi 30 mars 2020

C'est à vous!


Proposition : cette photo, sans aucune autre consigne ...


Micro-trottoir

Ce matin, mon Rédacteur en chef a décidé qu'on allait faire un micro-trottoir, il y a longtemps qu'on n'en a pas fait, en plus les téléspectateurs adorent ça : ils voient à l'écran des gens comme eux, à qui on demande leur avis, et qu'on écoute ! Ça les valorise, ils sont contents, et nous, on fait de l'audience à peu de frais ! 
Là-dessus, il m'a regardé, le Rédac-Chef, et il m'a lancé, finement (en tout cas, c'est l'idée qu'il s'en fait) : « Tiens, tu vas t'y coller, toi qui aimes te balader... ! »
Chacun à un coin de la pièce, mes petits camarades ont rigolé, un peu servilement selon moi, et je suis parti. 
Et me voilà dans la rue, prêt à tendre mon micro à qui veut bien me répondre, pour me raconter son vécu et surtout son ressenti, par rapport à « tout ça ». Seulement, personne ne veut me parler, m'expliquer comment il vit la situation. Tous, comme un seul homme ou une seule femme, ils se cabrent, ils s'éloignent en se drapant dans leur écharpe, par-dessus leur masque...
Il y en a même un qui m'a aspergé d'un truc - J'espère que c'est de la solution hydro-alcoolique ! - sous prétexte que j'insistais. Maintenant, j'ai compris, je n'insiste plus !

Puisque c'est comme ça, je vais parler aux oiseaux, leur demander ce qu'ils en pensent, eux, puisqu'ils sont revenus, comme si ça les amusait de nous voir dans la panade... Ou aux nuages, tant que j'y suis, je ne suis plus à ça près ! Tiens, celui-là, juste au-dessus... En espérant qu'il n'arrive pas de Tchernobyl (avec un méchant retard, quand même!), s'il pouvait nous larguer une bonne pluie, avec du désinfectant dedans, pour nettoyer tout le paysage - Le gouvernement, il pourrait peut-être nous goupiller un truc comme ça, quand même, non ? 

Alain

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ARTE 28 MARS 2020
Quelques personnes arrivent et se massent derrière le journaliste qui ne dit mot.
Les gens :
- Chut, taisez-vous
- Que se passe-t-il ?
- On attend
- On attend quoi ?
- … Sais pas, chut...,
- Non on sais pas, mais ça a l’air sérieux
- … Comment ça sérieux ?
Bruits de voix, de chuchotements, rires, d’autres individus approchent et posent des questions, personne ne sait, seul le journaliste micro tendu reste calme.
- Qu’est-ce qu’ils disent devant ?
- J’ai entendu sérieux
- Quoi sérieux, il va enregistrer une tornade ou le chant des moustiques ?
RIRES
- Ils ne savent plus quoi inventer, on s’en va.
Mouvement du public
- Non, reste, un autre journaliste arrive
Un homme, bandeau autour du bras «presse», harnaché pour un reportage de guerre  traverse la foule.
- Que se passe-t-il, dites-nous ?
- C’est grave ? Vous attendez quelqu’un pour un interview ?
- Oui, répond-t-il, en continuant à se frayer un chemin
- Qui ? Oui dites-nous qui c’est ?
- Il vient en montgolfière?
- Y’a pas d’vent...Votre copain va avoir une crampe !
RIRES
Le journaliste s’arrête, regarde autour de lui l’assemblée mi-souriante, mi-inquiète ; il savoure le moment :
- ….. DIEU…. Nous avons une audience avec DIEU
Silence. Visages tendus, incrédules, yeux exorbités, et bouche en demi-sourire, on dirait que chacun à sa manière reçoit un uppercut ! 
Les commentaires reprennent, doucement comme dans un confessionnal, puis de plus en plus fort :
- Merveilleux ! Incroyable ! on se fout de nous ! Blasphème ! Alléluia !… et le bitume va s’ouvrir aussi ? Il va marcher dans les airs ?
Le preneur de sons sourit de sa bonne blague et des réactions qu’elle suscite.
Trois voitures de police arrivent, la foule s’éparpille comme une envolée de moineaux, le journaliste fait signe de la main aux forces de l’ordre de se taire et de s’éloigner en montrant leur carte de presse, incroyable ça marche.
Plus un bruit, ARTE RADIO enregistre le silence ; un podcast utile pour la fin du confinement.

Patricia

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L'INTERVIEW

Ça se passait en 1980. Tout une époque. Enfin, une autre époque.
Après quelques années à faire des petits boulots au zoo, un peu de music-hall, voilà que ma chance arrivait. Enfin, aurais-je pu dire !
Mon rêve, ce pour quoi je m'estimais fait depuis longtemps, se réalisait. J'étais entré à la radio et pas n'importe laquelle, une radio nationale. Et pas pour des émissions passe-partout et grand public, non, j'allais m'occuper de culture. De littérature plus exactement. J'appréhendais quand même un peu, vu la brièveté de ma formation. 
Je dois dire que je devais cette occasion inespérée à mon oncle, un type qui était quelque chose dans la radio en question. C'était un ponte, en fait et un changement politique opportun l'avait mené très haut. Il n'y avait pas de raison pour que je n'en profite pas !
Mon oncle Louis, donc, était venu chez nous, un dimanche. On était à festoyer dans le jardin, ma mère apportait sa fameuse tarte aux fraises, comme chaque dimanche et mon père m'a jeté un regard entendu. J'avais fait signe que non de la tête. Pour être honnête, ça me gênait qu'on me pistonne. Mon père, qui avait lu l'annonce de la nomination de son frère la veille, m'a encouragé. J'ai fini par balbutier ma demande et l'oncle Louis, qui n'en avait sans doute pas grand chose à faire a dit : Ben oui ... pourquoi pas ?
Je faisais donc mes débuts. Je devais interviewer un célèbre écrivain, un peu en bout de course, mais qui avait eu son heure de gloire et qui ... oui, qui comptait encore.  Cinquième arrondissement, un hôtel particulier. Pas trop intimidé, je sonne. Pas de réponse. J'en profite pour vérifier sur mon Nagra, que mon micro était bien branché. Les batteries, ça allait, j'en avais même deux de rechange. Au bout d'un moment, je me résous à pousser la porte, entrouverte, je viens de le remarquer. Dans le grand hall au tapis bigarré, j'ai la surprise de découvrir un éléphant en bronze, une magnifique bête de deux mètres de haut.
Je récapitule ce que je sais du personnage : la perte de sa femme et son passé de héros de l'aviation. Ses romans qui vont du drôle au plus désespéré... ses deux prix Goncourt. J'ai lu et relu les résumés, parcouru aussi quelques bio(s) et je crois être au point pour mes questions. Je lance un timide : Oh ohooh ! qui résonne lugubrement dans tout cet espace. Je monte un escalier en marbre et j'arrive sur un palier. J'appelle à nouveau. Toujours le silence. Je ne m'attarde pas sur les tableaux de maîtres et les statues, je me concentre plutôt sur les portes. Deux sont fermées mais la troisième est entrebâillée.  Je prends sur moi de la pousser et là, catastrophe : le grand homme gît, affaissé sur son bureau. Il a la moitié de la tête emportée et son bras droit pend le long de la table. Il y a un revolver sur le tapis. Conclusion : l'interview tombe à l'eau ... puisque mon écrivain est mort !
Je reste là un moment, à ruminer : quoi faire ? 
Je ne travaille pas pour une station périphérique mais pour un poste national. Et culturel. Renoncer à faire mon boulot, et me contenter d'être témoin dans un simple fait-divers ? Pas question. Heureusement, je me souviens, très à propos, de mon passé au music-hall où je prenais toutes sortes de voix, des voix avec accent, des voix de fumeurs ...
Moralité : l'émission a bien été diffusée. Je m'y interview moi-même imitant le vieil auteur et, si vous vous en souvenez, elle a fait du bruit. 
On ne s'est pas privé de souligner que c'était là (et pour cause !) le dernier entretien accordé, de son vivant ... par Romain Gary.

Gérard

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Interview extraordinaire d’un cumulus ordinaire
Oh la la …le pauvre stagiaire ! Il me fait de la peine…il faut dire que sa mission n’est pas simple : en pleine période de covid-19, le patron du service « News » d’Arte Radio lui a demandé d’effectuer une interview qui ne soit pas en lien avec le virus responsable du confinement des deux-tiers des habitants de la planète !

Évidemment, c’est sur ce pauvre stagiaire journaliste sans expérience que c’est tombé (tous les journalistes aguerris de la rédaction sont bien confinés dans leurs résidences secondaires à deux heures de Paris avec leur famille…ce confinement a des allures de grandes vacances pour certains nantis, mais enfin bon, ce n’est pas le cœur du sujet …pfff). Thomas, fraîchement débarqué à Paris pour effectuer un stage de deux mois dans le cadre de ses études de journalisme à Lille (l’ESJ pour les initiés), est un jeune homme réservé mais curieux et toujours en quête d’actualité. Il se rêve journaliste de terrain depuis toujours (bien qu’il aurait préféré être photo-reporter de guerre, mais sa mère Christiane, l’en a dissuadé très vite, vu les risques du métier !).

Alors ce stage de deux mois à Arte radio est une aubaine inespérée pour lui ! Lui, le petit provincial sans réseau et sans relation à Paris ! C’est par un pur hasard qu’il a décroché ce stage, en rencontrant une jeune ingénieur-son tout récemment embauchée à Arte Radio. Ils se sont croisés chez des amis d’amis lors d’une soirée d’anniversaire (on fêtait les 22 ans de Justine ce soir-là dans un pub lillois, ce samedi 18 janvier). Il faut à ce stade du récit préciser que la jeune ingénieur-son, prénommée Sonia, est d’origine lilloise également. C’est donc tout naturellement que Sonia et Thomas se sont rencontrés à cette occasion festive, autour d’une Bellus bien fraîche (la Bellus étant une bière artisanale brassée localement -à Hénin Beaumont précisément- très appréciée dans le coin). Ils ont donc sympathisé et se sont raconté leurs vies jusqu’à la fermeture du pub de la rue de la République et ils se sont quittés après avoir bien sûr échangés leur numéro de téléphone. Il faut préciser que le courant est tout de suite bien passé entre ces deux-là et c’est tout à fait naturellement que Sonia a proposé à Thomas de l’aider à trouver un stage dans sa boîte (elle venait tout juste de passer en CDI en qualité d’ingénieur-son).


C’est ainsi que quelques semaines plus tard, il reçut un petit sms de Sonia lui annonçant qu’il était admis pour effectuer son stage de journaliste à compter du 2 mars jusqu’à fin avril à Arte Radio. Il était aux anges ! Jamais il n’aurait pu espérer mieux. Il était aussi fier qu’impressionné de mettre un pied dans cette belle maison de radio !

Tout s’est enchaîné très vite : la minuscule chambre de bonne perchée au 8° sans ascenseur, les piges inintéressantes à Arte Radio (tous les stagiaires y passent immanquablement !) et il ne se plaignait pas, car certains de ses camarades étaient cantonnées au photocopieur toute la journée. Il a ainsi écrit des piges pendant 9 jours jusqu’au discours de Macron, un jeudi 12 mars à 20H, annonçant le confinement de toute la population française jusqu’à nouvel ordre. C’était un jeudi soir, il s’en rappellera toute sa vie !

Dès le lendemain, il fût mis à contribution pour aller sur le terrain pour interviewer des personnalités diverses (politiques, économistes, etc.). Il passait ses journées à les interviewer et le soir, il rejoignait Sonia au studio d’Arte Radio pour réaliser le montage de ses interviews.

Très vite, il fut débordé car dès la première semaine de confinement, il dû pallier l’absence de certains journalistes stars de la station…qui avaient quitté Paris pour rejoindre leurs maisons de campagne). Il travaillait sans relâche de 8h du matin à minuit. Il était épuisé mais heureux d’être au cœur de l’action de cet événement inédit au niveau mondial ! Il avait parfaitement conscience qu’il vivait une période extraordinaire qui ferait date dans l’Histoire, et à ce titre, il était conscient de vivre un événement incroyable et qu’il avait en plus la chance d’en être le témoin à travers son œil de jeune-stagiaire-journaliste !

Cette frénésie dura plus de 10 jours, jusqu’au mercredi 18 mars précisément, date à laquelle le rédacteur en chef de la radio décida de retirer Thomas du service « News » pour l’affecter au département « Evasion » car il s’était rendu compte que les auditeurs frôlaient le burn-out à force d’être inondés d’informations, toutes plus mauvaises les unes que les autres au fil des jours (il faut dire que l’actualité se plaisait à afficher quotidiennement le record macabre en France et à travers le monde des victimes du terrible ennemi invisible, le Covid-19). Les auditeurs n’en pouvaient plus…à force d’être confinés, ils ne risquaient plus de mourir du virus, mais plutôt d’angoisse !!! Alors le rédacteur en chef décida d’affecter sa maigre équipe vers le département Evasion afin d’éviter le chômage partiel à ses journalistes et stagiaires.

C’est ainsi que Thomas change d’objectif du jour au lendemain, sans voir pu réfléchir à la question du divertissement et de l’évasion. Il se retrouva donc dehors, dans un Paris vide…sans personne à interviewer ! Il était désabusé et sans ressource …il leva les yeux au ciel, car il se sentait complètement perdu quand tout à coup, il me remarqua, moi, le cumulus insignifiant qui me promenait tranquillement, ballotté par un vent doux …C’est alors que Thomas érigea son bras en me tendant le micro ! C’est ainsi que commença le Journal extraordinaire d’un cumulus ordinaire …


Ce fut le point départ d'une incroyable carrière pour Thomas, mais ça, il le saurait bien des années plus tard...


Ziza

jeudi 26 mars 2020

Ma ville idéale

Proposition en temps de confinement (écriture à la maison) : 

Il est des villes qui font rêver. A peine y est-on entré qu'on voudrait y rester longtemps, un an,
deux ans, toute la vie ... Il serait une ville qu'on aurait inventée de toutes pièces, une ville de
rêve, de désir, de questionnements, de cauchemars ... A la façon d'Italo Calvino, imaginez l'une
d'entre elles, pour vous extraordinaire, de par sa situation géographique, son architecture, sa
fonction ... Vous y pénétrez, vous y marchez, les yeux et tous les autres sens grand ouverts ...


"Les anciens construisirent Valdrade sur les rives d'un lac avec des maisons aux vérandas
entassées les unes par dessus les autres et des rues hautes dont les parapets à balustres
dominent l'eau. De sorte qu'en arrivant le voyageur croit voir deux villes : l'une qui s'élève au-
dessus du lac, l'autre inversée, qui y est reflétée. Il n'existe ou n'arrive rien dans une des
Valdrade que l'autre Valdrade ne répète ... " (Italo CALVINO)


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MA  VILLE


D'abord, il y aurait la mer, la mer éternelle
brillante, étale
et un port, quelques plages de sables écrasées de soleil
on tournerait alors les yeux vers la ville,  la ville qui serait là,
toute prête à occuper la place qui lui revient
il en partirait un canal, qui frôlerait des façades ocres
car elles seraient colorées, les façades, en opposition
au gris bleu de l'eau et au ciel changeant ...
une avenue, une autre, qui feraient tout sauf se croiser
à angle droit, une place centrale, ni trop vieille ni trop moche
pas vraiment patinée par le temps, mais avec des maisons
fin dix-neuvième voir dix-septième pour une ou deux
pour l'hôtel de ville aussi : il y aurait des coins connus, qu'on revoit 
comme un cadeau
et puis renouvelés, d'autres, innombrables qui encourageraient la découverte
Des gens passeraient,
gens pas pressés, petits et grands
comme en vacances
il y aurait du lierre, des parasols, des chats rêveurs, des chiens,
sans doute un terrain de pétanque ... on cacherait
les bureaux, les centres d'activités
d'ailleurs on ne ferait qu'y passer, juste pour assurer le stricte
nécessaire
en matière
d'activité ...
Peut-être que, de temps à autre, des touristes envieux
viendraient nous visiter
nous étudier, nous déchiffrer
s'interroger sur ce qui fait une ville si douce à vivre ...
on renoncerait bien sûr à leur expliquer,
on les laisserait se passionner pour les bateaux à quais, pour les pattes
de la grue qui domine le port, 
pour nos terrasses fleuries,
cette campagne qui nous entoure
ces vaches de cartes postales, ce train qui ressemble à un jouet
et qui nous dessert ...
et ces desserts qu'on passe sur des chariots
dans les nombreux restaurants où le vin coule à flots ...

ll y aurait toi, bien sûr, toi et ta robe légère, ton perpétuel sourire ...

moi, j'en suis parti il y a bien longtemps :
trop belle, cette ville,
trop belle pour être vraie !

Gérard

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Bonjour les amis terriens, 

Quelques images de ma nouvelle vie.

Comme tous les matins du monde, de notre monde, de notre ville, Cybèle, le vent entre
dans ma chambre avec sa douce odeur miellée, senteurs d’éternels printemps.
Massée sur un gigantesque nuage, Cybèle vogue doucement aujourd’hui au-dessus de la
terre. J’en profite pour partir en balade, car notre cumulus de 1000 hectares n’est pas
toujours calme.
J’adore admirer les maisons colorées aux structures souples, construites sur pilotis
rétractables, elles s’adaptent aux mouvements de l’environnement, au vent qui souffle et
nous transporte.
« Bon flottement Julien », c’est notre bonjour !
En effet, le sol ne ressemble en rien à votre bitume ou à la terre, nous marchons sur du
mou/ferme ou tendre/dur … inutile de préciser que notre colonne vertébrale est en excellent
état dans ces conditions.
Les arbres, arbustes, fleurs et légumes s’épanouissent sur du Sphaigne, pas de pluie ici, 
les différences de température à la tombée du jour créent une brumisation bienfaisante et
suffisante pour alimenter la nature et la population en eau.
Le climat doux sans être chaud nous permet d’être peu vêtu, donc peu de besoin en tous
genres. La pollution atmosphérique ? Nous avons tendance à oublier la signification du mot,
aucune production polluante dans la ville. Sans aucune contrainte les besoins sont allés
vers l’essentiel, manger sain et échanger, écouter l’autre, méditer.
Différents points de vue aménagés nous permettent de regarder la terre, en ce moment
nous survolons le Colorado et sommes éblouis par ses couleurs.
Tous les semestres un vote est proposé à la population pour le choix d’un atterrissage ;
pays d’abord, ensuite nous décidons si ce sera sur une plage, proche d’une ville,
à la montagne, dans un bocage, etc … et la période de pose bien sûr.
Certains d’entre nous descendent et ne réintègrent pas Cybèle, laissant la place à de
nouveaux habitants ; d’autres, comme moi, vont à la découverte de ces sites, en reviennent
parfois enchantés par le changement de paradigme mis en place, ou désolés par l’inertie
des habitants avec lesquels nous tentons d’argumenter sur les nouveaux possibles.
Jamais plus de 1000 personnes sur ce bateau des airs, tous les âges sont représentés à
partir de 5 ans, une communauté humaine qui se rencontre, rit et réfléchit à la complexité
du monde, à l’universalité de cette ville utopique… ou reproductible ?
Je vous attends.

Patricia

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Dans Mont-Mira ne s'entendait à aucun moment aucun bruit, pas de glissements, ni même
de murmures ou le moindre feulement, soupir ou respiration. Les passants, car il y en 
avait pourtant, se déplaçaient le long des rues en silence, lorsqu'ils se croisaient ils ne 
s'adressaient pas la parole, tout au plus échangeaient-ils un signe discret, sans qu'on 
puisse dire si c'était un regret d'un autre temps, plus sonore, ou peut-être un rendez-vous 
donné... Ailleurs, auraient-ils pu se dire, ailleurs et à un autre instant, il y a quelque chose 
que je dois vous dire, quelque chose qu'il faut que vous sachiez, j'espère qu'il sera 
encore temps pour que vous en soyez informé, sinon averti !
En même temps, tous paraissaient redouter de quitter leur ville pour se rendre dans cet ailleurs 
sans doute bruyant, incessamment traversé et meurtri de tout le vacarme d'une existence qu'ils avaient oubliée.
Si bien qu'il était presque certain que la plupart ne se rendraient pas aux rendez-vous muettement donnés par un 
autre passant, inconnu et furtif.

Alain
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Un sifflement me réveilla brusquement. Le wagon qui était auparavant calme, fut soudainement prit d’une folle agitation.
Tous les voyageurs étaient debout, certains pour récupérer leurs bagages, d’autres pour se diriger vers les portes.
Au milieu de cette frénésie, un message diffus du conducteur peinait à se faire entendre :
« Terminus, tout le monde descend ! ».
Face à mon reflet dans la vitre, je reprenais lentement mes esprits. Ce voyage, la chaleur, le calme, la sécurité 
et surtout le ronronnement des ballasts avaient eu raison de moi. J’y étais enfin arrivé, elle était à ma portée,
cette fameuse terre de liberté. J’étais à la fois soulagé et coupable d’avoir laissé ma famille. Le wagon s’était vidé,
je me retrouvai seul. Il fallut que je me promette de repartir les chercher dès que possible, pour qu’enfin je trouve
 le courage de sortir.Cet univers m’était inconnu.Mes premiers pas en dehors de ce train furent ceux de mes ancêtres
 aux portes d’un monde nouveau. Devant moi, une succession de quai et de locomotives rutilantes,
déversait un torrent de voyageurs.Aucun d’eux ne semblait perdu et tous étaient superbement vêtus.
A ces quais interminables, répondaient d’imposantes colonnes qui dépassaient de loin toutes les constructions que
j’avais eu l’occasion d’observer. Elles semblaient comme une forêt au feuillage de verre. Chacune de ces feuilles
était sertie d’une fine dentelle de métal qui scintillait au gré des passage des nuages. Au loin, je discernais 
quelques colombes qui volaient d’une colonne à l’autre. Je souriais, ici même les colombes ont un toit.
Je ne savais pas où aller, je décidai donc de suivre le flot de voyageurs. Dehors qui sait, je trouverai le marché, 
il y a toujours du travail à prendre.La foule s’engouffrait en silence dans un étroit tunnel parfaitement éclairé.
J’étais surpris par cette foule d’anonymes. Les gens ne se regardent pas et ne se parlent pas.
J’avançai au milieu d’eux quand soudain, au détour d’un couloir, je me retrouve entouré d’un groupe d’hommes 
qui me barrent la route.Le plus petit d’entre eux s’avança devant moi et s’exclama : 
« Police, vos papiers s’il vous plaît ». 

Juan




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Ma ville idéale

34 aoûtembre 2025

Le confinement lié au Covid-19 a été levé il y a maintenant plus de 4 ans. Il aura finalement duré plus d'une 
année durant laquelle, le monde s'est littéralement arrêté de marcher, ou presque !
Les plus fragiles n'ont pas résisté longtemps à cet effroyable virus qui a emporté les trois quarts de l'humanité.
Il ne reste aujourd'hui, que "les plus forts", c'est-à-dire ceux dont le corps a résisté à l'invasion du poison invisible.
A ce jour, ces survivants se livrent une guerre sans merci aux quatre coins de la planète pour l'eau et la nourriture.
L'humanité a essuyé de terribles épreuves depuis des millénaires...
mais se relèvera-t-elle de celle-ci, de loin la plus difficile de toutes ?
Je fais partie de ces survivants car mes anticorps dysfonctionnant depuis belle lurette,
 ont fait ami-ami avec cet impitoyable ennemi.
Tout le monde pensait que je partirais très vite du fait de cette anomalie immunitaire. 
Et bien, non, je suis toujours là !
Debout, malgré moi. J'aurais préféré mourir, croyez-moi, plutôt que d'être témoin de la 
déchéance de notre belle boule bleue, en proie au plus terrible des destins !
Mais je suis (sur)vivante...et il reste encore un peu d'humanité au fond de moi que je cultive comme un rare trésor.
J'entretiens cette petite étincelle qui brille encore, mais de moins en moins ...
elle s'éteindra bientôt, lasse de cette effroyable guerre sans nom !
Mais je suis encore là pour l'instant. Et il m'arrive encore (de moins en moins souvent) de rêver 
durant mes courtes nuits, hachées par la peur et par l'angoisse.
Je rêve de cette ville infernale que j'ai habitée longtemps, laquelle aujourd'hui, me paraît idéale :
PARIS!
Mon Paris avec ses rues inondées de soleil en ce début de printemps 2020 alors que le terrible virus 
s'abattait aveuglément sur l'ensemble de la Terre.
Un Paris aux prises avec la grève des transports de décembre 2019, sous la pluie et le froid...
un moment difficile pendant lequel j'ai beaucoup râlé lorsque je rentrais à pied le soir du 
bureau à la maison, trempée, frigorifiée, vidée de toute énergie.
Un Paris sous les embouteillages, ville devenue impraticable selon les automobilistes, 
suite à la volonté d'une maire d'arborer fièrement au reste du monde une capitale piétonne et cycliste.
Un Paris bondé de touristes, venus admirer notre éternelle ville-Lumière...sans oublier 
bien sûr leurs perches pour leurs insupportables selfies, devenues un réel danger pour le 
parisien pressé qui ne regarde que ses pieds en marchant...
Un Paris où on se faisait presque engueulé par le serveur du café car on avait l'audace 
de s'installer à une place ensoleillée sur la terrasse bondée tant convoitée des parisiens en 
manque chronique de rayons de soleil, alors qu'on ne prenait qu'un petit café noisette que l'on 
sirotait tout doucement pour prolonger ce petit moment de bonheur tout simple!
Un Paris dans lequel je déambulais à mes heures perdues dans les ruelles étroites et 
pentues du XX° arrondissement, mon quartier de prédilection que j'ai habité plus de vingt ans.
Mais ce Paris-là n'est plus.
C'est ce Paris-là, ma ville idéale, avant ce printemps 2020...

Ziza