jeudi 26 mars 2020

Ma ville idéale

Proposition en temps de confinement (écriture à la maison) : 

Il est des villes qui font rêver. A peine y est-on entré qu'on voudrait y rester longtemps, un an,
deux ans, toute la vie ... Il serait une ville qu'on aurait inventée de toutes pièces, une ville de
rêve, de désir, de questionnements, de cauchemars ... A la façon d'Italo Calvino, imaginez l'une
d'entre elles, pour vous extraordinaire, de par sa situation géographique, son architecture, sa
fonction ... Vous y pénétrez, vous y marchez, les yeux et tous les autres sens grand ouverts ...


"Les anciens construisirent Valdrade sur les rives d'un lac avec des maisons aux vérandas
entassées les unes par dessus les autres et des rues hautes dont les parapets à balustres
dominent l'eau. De sorte qu'en arrivant le voyageur croit voir deux villes : l'une qui s'élève au-
dessus du lac, l'autre inversée, qui y est reflétée. Il n'existe ou n'arrive rien dans une des
Valdrade que l'autre Valdrade ne répète ... " (Italo CALVINO)


_______________________________________________________

MA  VILLE


D'abord, il y aurait la mer, la mer éternelle
brillante, étale
et un port, quelques plages de sables écrasées de soleil
on tournerait alors les yeux vers la ville,  la ville qui serait là,
toute prête à occuper la place qui lui revient
il en partirait un canal, qui frôlerait des façades ocres
car elles seraient colorées, les façades, en opposition
au gris bleu de l'eau et au ciel changeant ...
une avenue, une autre, qui feraient tout sauf se croiser
à angle droit, une place centrale, ni trop vieille ni trop moche
pas vraiment patinée par le temps, mais avec des maisons
fin dix-neuvième voir dix-septième pour une ou deux
pour l'hôtel de ville aussi : il y aurait des coins connus, qu'on revoit 
comme un cadeau
et puis renouvelés, d'autres, innombrables qui encourageraient la découverte
Des gens passeraient,
gens pas pressés, petits et grands
comme en vacances
il y aurait du lierre, des parasols, des chats rêveurs, des chiens,
sans doute un terrain de pétanque ... on cacherait
les bureaux, les centres d'activités
d'ailleurs on ne ferait qu'y passer, juste pour assurer le stricte
nécessaire
en matière
d'activité ...
Peut-être que, de temps à autre, des touristes envieux
viendraient nous visiter
nous étudier, nous déchiffrer
s'interroger sur ce qui fait une ville si douce à vivre ...
on renoncerait bien sûr à leur expliquer,
on les laisserait se passionner pour les bateaux à quais, pour les pattes
de la grue qui domine le port, 
pour nos terrasses fleuries,
cette campagne qui nous entoure
ces vaches de cartes postales, ce train qui ressemble à un jouet
et qui nous dessert ...
et ces desserts qu'on passe sur des chariots
dans les nombreux restaurants où le vin coule à flots ...

ll y aurait toi, bien sûr, toi et ta robe légère, ton perpétuel sourire ...

moi, j'en suis parti il y a bien longtemps :
trop belle, cette ville,
trop belle pour être vraie !

Gérard

______________________________________________________________

Bonjour les amis terriens, 

Quelques images de ma nouvelle vie.

Comme tous les matins du monde, de notre monde, de notre ville, Cybèle, le vent entre
dans ma chambre avec sa douce odeur miellée, senteurs d’éternels printemps.
Massée sur un gigantesque nuage, Cybèle vogue doucement aujourd’hui au-dessus de la
terre. J’en profite pour partir en balade, car notre cumulus de 1000 hectares n’est pas
toujours calme.
J’adore admirer les maisons colorées aux structures souples, construites sur pilotis
rétractables, elles s’adaptent aux mouvements de l’environnement, au vent qui souffle et
nous transporte.
« Bon flottement Julien », c’est notre bonjour !
En effet, le sol ne ressemble en rien à votre bitume ou à la terre, nous marchons sur du
mou/ferme ou tendre/dur … inutile de préciser que notre colonne vertébrale est en excellent
état dans ces conditions.
Les arbres, arbustes, fleurs et légumes s’épanouissent sur du Sphaigne, pas de pluie ici, 
les différences de température à la tombée du jour créent une brumisation bienfaisante et
suffisante pour alimenter la nature et la population en eau.
Le climat doux sans être chaud nous permet d’être peu vêtu, donc peu de besoin en tous
genres. La pollution atmosphérique ? Nous avons tendance à oublier la signification du mot,
aucune production polluante dans la ville. Sans aucune contrainte les besoins sont allés
vers l’essentiel, manger sain et échanger, écouter l’autre, méditer.
Différents points de vue aménagés nous permettent de regarder la terre, en ce moment
nous survolons le Colorado et sommes éblouis par ses couleurs.
Tous les semestres un vote est proposé à la population pour le choix d’un atterrissage ;
pays d’abord, ensuite nous décidons si ce sera sur une plage, proche d’une ville,
à la montagne, dans un bocage, etc … et la période de pose bien sûr.
Certains d’entre nous descendent et ne réintègrent pas Cybèle, laissant la place à de
nouveaux habitants ; d’autres, comme moi, vont à la découverte de ces sites, en reviennent
parfois enchantés par le changement de paradigme mis en place, ou désolés par l’inertie
des habitants avec lesquels nous tentons d’argumenter sur les nouveaux possibles.
Jamais plus de 1000 personnes sur ce bateau des airs, tous les âges sont représentés à
partir de 5 ans, une communauté humaine qui se rencontre, rit et réfléchit à la complexité
du monde, à l’universalité de cette ville utopique… ou reproductible ?
Je vous attends.

Patricia

_______________________________________________


Dans Mont-Mira ne s'entendait à aucun moment aucun bruit, pas de glissements, ni même
de murmures ou le moindre feulement, soupir ou respiration. Les passants, car il y en 
avait pourtant, se déplaçaient le long des rues en silence, lorsqu'ils se croisaient ils ne 
s'adressaient pas la parole, tout au plus échangeaient-ils un signe discret, sans qu'on 
puisse dire si c'était un regret d'un autre temps, plus sonore, ou peut-être un rendez-vous 
donné... Ailleurs, auraient-ils pu se dire, ailleurs et à un autre instant, il y a quelque chose 
que je dois vous dire, quelque chose qu'il faut que vous sachiez, j'espère qu'il sera 
encore temps pour que vous en soyez informé, sinon averti !
En même temps, tous paraissaient redouter de quitter leur ville pour se rendre dans cet ailleurs 
sans doute bruyant, incessamment traversé et meurtri de tout le vacarme d'une existence qu'ils avaient oubliée.
Si bien qu'il était presque certain que la plupart ne se rendraient pas aux rendez-vous muettement donnés par un 
autre passant, inconnu et furtif.

Alain
_____________________________________________________


Un sifflement me réveilla brusquement. Le wagon qui était auparavant calme, fut soudainement prit d’une folle agitation.
Tous les voyageurs étaient debout, certains pour récupérer leurs bagages, d’autres pour se diriger vers les portes.
Au milieu de cette frénésie, un message diffus du conducteur peinait à se faire entendre :
« Terminus, tout le monde descend ! ».
Face à mon reflet dans la vitre, je reprenais lentement mes esprits. Ce voyage, la chaleur, le calme, la sécurité 
et surtout le ronronnement des ballasts avaient eu raison de moi. J’y étais enfin arrivé, elle était à ma portée,
cette fameuse terre de liberté. J’étais à la fois soulagé et coupable d’avoir laissé ma famille. Le wagon s’était vidé,
je me retrouvai seul. Il fallut que je me promette de repartir les chercher dès que possible, pour qu’enfin je trouve
 le courage de sortir.Cet univers m’était inconnu.Mes premiers pas en dehors de ce train furent ceux de mes ancêtres
 aux portes d’un monde nouveau. Devant moi, une succession de quai et de locomotives rutilantes,
déversait un torrent de voyageurs.Aucun d’eux ne semblait perdu et tous étaient superbement vêtus.
A ces quais interminables, répondaient d’imposantes colonnes qui dépassaient de loin toutes les constructions que
j’avais eu l’occasion d’observer. Elles semblaient comme une forêt au feuillage de verre. Chacune de ces feuilles
était sertie d’une fine dentelle de métal qui scintillait au gré des passage des nuages. Au loin, je discernais 
quelques colombes qui volaient d’une colonne à l’autre. Je souriais, ici même les colombes ont un toit.
Je ne savais pas où aller, je décidai donc de suivre le flot de voyageurs. Dehors qui sait, je trouverai le marché, 
il y a toujours du travail à prendre.La foule s’engouffrait en silence dans un étroit tunnel parfaitement éclairé.
J’étais surpris par cette foule d’anonymes. Les gens ne se regardent pas et ne se parlent pas.
J’avançai au milieu d’eux quand soudain, au détour d’un couloir, je me retrouve entouré d’un groupe d’hommes 
qui me barrent la route.Le plus petit d’entre eux s’avança devant moi et s’exclama : 
« Police, vos papiers s’il vous plaît ». 

Juan




____________________________________________

Ma ville idéale

34 aoûtembre 2025

Le confinement lié au Covid-19 a été levé il y a maintenant plus de 4 ans. Il aura finalement duré plus d'une 
année durant laquelle, le monde s'est littéralement arrêté de marcher, ou presque !
Les plus fragiles n'ont pas résisté longtemps à cet effroyable virus qui a emporté les trois quarts de l'humanité.
Il ne reste aujourd'hui, que "les plus forts", c'est-à-dire ceux dont le corps a résisté à l'invasion du poison invisible.
A ce jour, ces survivants se livrent une guerre sans merci aux quatre coins de la planète pour l'eau et la nourriture.
L'humanité a essuyé de terribles épreuves depuis des millénaires...
mais se relèvera-t-elle de celle-ci, de loin la plus difficile de toutes ?
Je fais partie de ces survivants car mes anticorps dysfonctionnant depuis belle lurette,
 ont fait ami-ami avec cet impitoyable ennemi.
Tout le monde pensait que je partirais très vite du fait de cette anomalie immunitaire. 
Et bien, non, je suis toujours là !
Debout, malgré moi. J'aurais préféré mourir, croyez-moi, plutôt que d'être témoin de la 
déchéance de notre belle boule bleue, en proie au plus terrible des destins !
Mais je suis (sur)vivante...et il reste encore un peu d'humanité au fond de moi que je cultive comme un rare trésor.
J'entretiens cette petite étincelle qui brille encore, mais de moins en moins ...
elle s'éteindra bientôt, lasse de cette effroyable guerre sans nom !
Mais je suis encore là pour l'instant. Et il m'arrive encore (de moins en moins souvent) de rêver 
durant mes courtes nuits, hachées par la peur et par l'angoisse.
Je rêve de cette ville infernale que j'ai habitée longtemps, laquelle aujourd'hui, me paraît idéale :
PARIS!
Mon Paris avec ses rues inondées de soleil en ce début de printemps 2020 alors que le terrible virus 
s'abattait aveuglément sur l'ensemble de la Terre.
Un Paris aux prises avec la grève des transports de décembre 2019, sous la pluie et le froid...
un moment difficile pendant lequel j'ai beaucoup râlé lorsque je rentrais à pied le soir du 
bureau à la maison, trempée, frigorifiée, vidée de toute énergie.
Un Paris sous les embouteillages, ville devenue impraticable selon les automobilistes, 
suite à la volonté d'une maire d'arborer fièrement au reste du monde une capitale piétonne et cycliste.
Un Paris bondé de touristes, venus admirer notre éternelle ville-Lumière...sans oublier 
bien sûr leurs perches pour leurs insupportables selfies, devenues un réel danger pour le 
parisien pressé qui ne regarde que ses pieds en marchant...
Un Paris où on se faisait presque engueulé par le serveur du café car on avait l'audace 
de s'installer à une place ensoleillée sur la terrasse bondée tant convoitée des parisiens en 
manque chronique de rayons de soleil, alors qu'on ne prenait qu'un petit café noisette que l'on 
sirotait tout doucement pour prolonger ce petit moment de bonheur tout simple!
Un Paris dans lequel je déambulais à mes heures perdues dans les ruelles étroites et 
pentues du XX° arrondissement, mon quartier de prédilection que j'ai habité plus de vingt ans.
Mais ce Paris-là n'est plus.
C'est ce Paris-là, ma ville idéale, avant ce printemps 2020...

Ziza