jeudi 25 juin 2020

Un conte, revu et ...corrigé!

Choisissez un conte pour enfant, parmi les auteurs les plus connus : Perrault, Andersen, Grimm... et racontez-le à votre sauce, d'un autre point de vue.

Par exemple, au lieu de raconter le point de vue de Cendrillon, racontez celui de la méchante marâtre, pour la rendre moins caricaturale. Elle pourrait aussi avoir ses propres problèmes,  son propre passé d'enfant martyre, ou autre...


CENDRILLON REVISITEE


Je sais qu'on ne m'aime pas, mais ça m'est égal : je suis Cunégonde, la demi-soeur de Cendrillon. Pourquoi est-ce qu'il n'y en a que pour elle, je ne comprends pas. 

Quand notre père s'est remarié, il nous a fait venir, ma soeur Berthe et moi, au palais. On avait de beaux habits, des serviteurs ... et on aurait dû partager avec une fille d'un "premier lit" comme on dit ? Cette nommée Cendrillon, elle n'était pas trop moche, d'accord, et notre père l'adorait : une raison de plus pour la transformer vite fait bien fait en souillon. Pour qu'elle devienne notre femme de chambre, notre servante ... notre esclave. Ha, ha ! On a bien ri, avec Berthe, de la voir avec son museau noir et ses hardes, tâcher de trouver un morceau de pain dans les restes de nos festins ! 

Quand il y eut cette fête, Cendrillon n'était pas invitée, bien sûr. Elle n'avait rien à se mettre ! Nous, parées de nos plus belles robes (satin, soie et tout le toutim !), on était fin prêtes, nous poussant du coude à la pensée de Cendrillon cherchant, dans ses frusques de mendiante, une tenue à peu près acceptable. Sûr qu'elle n'y arriverait jamais !

Mais quand on l'a vue débarquer au bal, mieux habillée que nous, plus élégante, plus chic, plus ... tout ça, quoi, notre sang n'a fait qu'un tour. Il y avait là un mystère qu'il faudrait bien éclaircir un jour ou l'autre.

Ai-je dit, non, je ne crois pas, que Cendrillon avait des chaussures incroyables : tout en vair, c'est à dire en fourrure ! On a écrit depuis, dans "Gali" ou "Vois ça" que c'était des chaussures en verre. Ha, ha, les journaleux, je ne vous souhaite pas d'essayer de marcher ou de  danser avec des chaussures en verre ... c'est pour le coup que vous auriez très vite des éclats dans les orteils ! 

Bref ... à minuit, on a vu notre demi-soeur toute nerveuse. Elle ne vivait plus ; Elle regardait la pendule, puis encore une fois la pendule et elle a fini par s'en aller très vite. Par s'enfuir, devrais-je même dire, ce qui n'était pas très fûté vu qu'elle avait un ticket long comme ça avec le prince de Machintruc. Elle a dévalé les escaliers du palais à minuit moins deux ... en laissant, au passage, tomber une de ses pantoufles de vair. Le prince, cet abruti, au lieu de se rabattre sur de la volaille encore acceptable, ma soeur et moi, en l'occurrence, voilà qu'il récupère la pantoufle et qu'il la serre sur son coeur et qu'il lui fait des mamours. Ha, ha, il était vraiment mordu, le gars ! En plus, il a décidé qu'il épouserait celle qui pourrait enfiler la pantoufle. On s'est mise sur les rangs, Berthe et moi, mais elle avec son 39 et moi avec mon 42 fillette, on n'a jamais pu glisser notre pied dans cette pantoufle de naine. 

Le prince a tout essayé, des paysannes, des duchesses, mais bernique ... personne n'arrivait à mettre la pantoufle. Au bout du compte (ou du conte) il est revenu au château où le roi a bien voulu que sa première fille, la souillon, Cendrillon, donc ... essaie la pantoufle. O miracle, elle lui allait. Pas compliqué, puisque c'était la sienne ! Le prince, tout réjoui, l'emmène sur son cheval blanc pour en faire sa femme. Et toc !

On a bien sûr été invitées au bal ... mais la marraine de Cendrillon, un peu fée, l'a vengée : elle a fait verser notre carrosse dans une mare pleine de crapauds et de serpents. Ouh, les vilaines bêtes ! 

Gérard

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Je ne sais pas ce qu'elle veut, cette gamine !


Ah ! Je commence à en avoir jusque-là : chaque week-end c'est le même cirque, la gamine s'amène le vendredi soir, vers les 6 heures, avec l'air enfariné et un panier au bras... Coucou, Maminette, c'est moi... !

Je vois bien que c'est toi, j'ai encore ma tête, et le reste, grâce à Dieu ! Pardi, je la reconnais, toujours habillée comme l'as de pique, avec ses jeans déchirés - il paraît que c'est fait exprès, c'est tendance, tu parles ! - et ses piercing, ça j'ai du mal à supporter... Si elle voulait, elle serait mignonne, je ne comprends pas qu'on se défigure pour le plaisir ! Et maintenant, c'est nouveau, cette espèce de chapeau rouge, une sorte de capeline, ou de casquette, bref, une horreur encore, ça aussi ça doite être tendance... Tendancieux, comme argument, je trouve, moi ! 

Bref, et comme chaque fois, elle me fait le même cinéma : Devine ce que j'ai dans mon panier... ! - Oh ! Elle se prend pour l'animatrice de la valise RTL, ou quoi ? Quand j'étais gamine, à la radio il y avait L'Homme des vœux Bartissol, je crois que c'est une espèce de vin cuit... Le type se promenait dans la rue et interpellait les gens avec des questions à la con, et celui qui, premièrement l'identifiait comme l'homme des vœux et ensuite avait sur lui des capsules de l'apéritif en question, gagnait : x francs par capsule... Tu parles d'un truc !                                            

Donc, Adeline (Adeline... ! Où est-ce qu'ils sont allés chercher un prénom pareil ?!) secoue son panier... Comme si je ne devinais pas, à force, ce serait malheureux ! Ses parents m'envoient « des spécialités du terroir » - comme si c'était le trésor de Rackham le rouge, ou je ne sais quoi ! Déjà, c'est moi qui vis dans un village, eux ils sont juste adhérents à une AMAP, il y a bien de quoi frimer ! 

Je ne dis pas, c'est l'intention qui compte, seulement il y a toujours des trucs que je n'aime pas, genre topinambours ou aubergines - seulement c'est un lot, il faut prendre le tout, c'est comme ça ! 


Ce qu'il y a, en fait, c'est pas tellement une enfant qui aime beaucoup sa grand-mère... Bon, elle m'aime bien, on s'entend bien, toutes les deux, d'accord... Mais le fond de l'affaire, c'est que ses parents - ma fille et mon gendre, donc - se débarrassent d'elle chaque fin de semaine, comme ça, tu comprends, Maman, on peut se retrouver, avec Jean-Paul... Oui, je comprends bien, mais enfin elle a d'autres grand-parents, la petite, du côté de Jean-Paul (ou alors j'ai rien compris aux Sciences naturelles!), sans compter les copines, en plus elle a peut-être un mec, avec qui elle pourrait profiter de deux jours de liberté, ils s'enverraient en l'air, ils me feraient un arrière-petit-fils ou fille - mais un garçon ce serait bien : je n'ai pas eu de fils, ma fille non plus... 

Non, en fait, ce qui me gêne, dans tout ça, c'est que ça m'empêche - enfin, pas complètement quand même, disons que ça me gêne un peu - de vivre ma vie de femme, moi, il y a Louis qui vient me rendre visite. On joue à des jeux, par exemple, il joue au grand méchant, Louis, et moi à la petite Cosette qui est en même temps l'une des deux orphelines... On mélange tout, on s'éclate ! 

Mais finalement, l'appartement est grand, Adeline ne nous gêne pas tant que ça. Et puis on l'envoie dehors, au cinéma ou en boîte, elle est ravie, elle ne reste pas dans nos pattes ! 

Au fond, c'est plutôt une bonne nature, cette gosse...


Alain 


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Revu et corrigé !

Les contes de fées et leur morale participent à l’éducation des enfants, d’hier et d’aujourd’hui. Ils leur inculquent des valeurs et leur apprend à distinguer le bien du mal.

Mais en qualité de Belle au bois Dormant, il est temps que je me réveille pour enfin libérer ma parole !

Effectivement, le conte remanié de Perrault a mal vieilli et ne correspond plus aux attentes de la société actuelle. Il répondait aux valeurs de la haute bourgeoisie de l’époque, quand la patience et la passivité étaient alors les plus grandes qualités attendues d’une femme, qui passaient du joug paternel au carcan du mariage…après 100 ans de sommeil imposé par une méchante fée !

Nous sommes aujourd’hui en 2020, et ce diktat m’est à présent insupportable ! Et pour cause, Mai 68 et un vent de liberté des femmes a soufflé…et la tempête #me too a effacé les derniers vestiges de la domination masculine.

Il est inconcevable de continuer à véhiculer ces valeurs d’attente et de soumission, comme suggéré par mon comportement dans le conte de la Belle au bois dormant (que Perrault a remanié autour de 1697). Et encore, je ne me plains pas, la version originale était bien pire (« Soleil, Lune et Thalie »), dans lequel le Prince me violait pendant mon siècle d’endormissement …! Si, si, c'est vrai, je n'invente rien et je vous invite à découvrir le conte à son origine.

A l’heure où la question du consentement se pose (depuis quelques mois seulement), il me paraît urgent de réécrire mon histoire …afin que toutes les princesses qui sommeillent en chaque fillette, aient aujourd’hui conscience qu’elles ont le choix de leur destin ! Et que tous les Princes charmants soient convaincus qu’ils ne soient plus les seuls à pouvoir exprimer leur choix …et c’est seulement ainsi que pourront s’écrire les plus beaux contes, dans les livres d’enfants et dans nos vies 😊

En attendant la réécriture du conte, j’ai décidé de ne plus dormir pour vivre pleinement ma vie de femme et rattraper ce siècle de sommeil!

Ziza

mercredi 10 juin 2020

Scène de crime ...



A 8H00 on retrouve le corps de Madame Blanche dans la bibliothèque, tuée d’un coup de couteau …
 

Appelé sur les lieux ... le lieutenant Piron, 35 ans, blouson fatigué et barbe soigneusement négligée prend les choses en main : enfin, c'est vite dit. Mme Blanche oeuvre ici comme bibliothécaire deuxième échelon. C'est (ou plutôt c'était) une femme qui, au travail comme chez elle, soignait ses tenues : cardigan bleu pâle, chemisier et robe noires, chaussures fines. Son visage, bien maquillé porte encore la trace d'une sorte de surprise qui l'a saisie en sentant la mort arriver.

Piron grogne : - Alors,  qui a découvert le corps ?

  • C'est moi ... indique Mme Glandier, la chef. Elle a l'air tendu, des cheveux teints en roux et un look de sportive : de fait, on apprendra qu'elle court deux fois par semaine au bois et qu'elle a déjà gagné plusieurs marathons. La bibliothèque – municipale – se trouve dans une rue passante, tout près de la mairie. Mme Blanche arrive en général la première. C'est elle "qui ouvre", comme on dit. Elle arrive tôt pour procéder à des rangements, classements ou autres. La chef se pointe vers 9h. Les autres employés, Mme Donat et un stagiaire du nom de Serge Barrot, c'est plutôt 10 h voire 10h30, Mme Glandier n'étant pas trop exigeante, du fait que la bibliothèque n'ouvre qu'à 11 heures. Et ferme à 17 heures. Nous sommes dans une petite ville, après tout.

  • Connaissiez-vous des ... ennemis à Mme Blanche, demande Piron qui a lu et relu ses classiques.

  • Non, affirme la chef. C'était une femme divorcée. Une vie calme, donc, enfin je suppose ... avec des amis et amies. Elle avait encore sa vieille mère qui vit à 10 kilomètres, dans une rrésidence pour ...

  • Ca va, ca va, coupe le policier. Il se gratte le crâne en suivant, par la fenêtre, le chargement du corps dans le fourgon ad hoc.

  • Piron reprend : - Vous êtes donc arrivée bien plus tôt que prévu ?

  • Un hasard, plaide Mme Glandier, je fais de l'insomnie ... et plutôt que de tourner et virer dans mon lit, je me suis habillée et je suis venue. Mais Mme Blanche, elle, était là ... bien plus tôt. Ce n'est pas normal. 

  • Si ça se trouve, souffla le stagiaire, elle fait AUSSI de l'insomnie ?

  • Pourquoi pas ? Piron décide d'isoler ces gens : il colle la chef dans son bureau, le stagiaire à la réserve et se concentre sur Mme Donat, prototype de la quinqua mariée, avec de grands enfants déjà partis du nid : elle découpe les articles sur les nouveaux romans qui paraissent et les colle sur un panneau, pour "donner des idées". Elle est lunetteuse et résignée, bibliothécaire depuis, pfffff ! Elle ne compte plus. Piron a repéré un détail troublant : elle paraît chausser du 43. Y aurait-il anguille sous roche ? Est-ce que ce ne serait pas ... un homme, ayant quitté le domicile conjugal et trouvé le calme en se travestissant ? Mme Blanche pourrait bien être l'ex'. Percé à jour, Donat panique. Mme Blanche lui a donné rendez-vous à la bibliothèque. Pour parler. Une scène s'en est suivie, avec le coup de couteau dans le ventre qui fermerait une bonne fois le dossier. Et la chef ... la tonique Mme Glandier ? Une relation amoureuse aurait pu exister entre les deux femmes, oui, oui oui ! Ca dure deux mois, six mois... et puis Mme Blanche se lasse : l'amour à la hussarde, les coups de rouge sur le zinc et les footings matinaux dans la boue, elle en a assez. Comme de l'odeur du cigare que la chef fume, après l'amour. Les deux femmes se voient ce matin-là. Mme Glandier, pressentant le pire, a préparé un argument ... pointu. Ca dégénère et c'est la fin de Mme Blanche qui, de toute façon, avait déjà jeté son dévolu sur l'épouse de l'adjoint au maire, une gaillarde, paraît-il.Et Serge, le brave stagiaire ? Ce ne sont pas les mobiles qui manquent !Leur relation a tourné court. Ou plutôt ... lui aurait bien aimé se dépuceler avec Mme Blanche : elle a vite mis le hola, mais Serge est têtu. Il insiste, menaçant de faire courir des bruits sur elle, qu'elle vole des livres, par exemple ou consulte des sites interdits. Mme Blanche, à bout, lui a donné rendez-vous à 7h45, sur leur lieu de travail. Se débattant face aux assauts du stagiaire, la malheureuse a tâtonné sur la table en quête d'une arme. Serge a vu le coupe-papier plus vite et s'en est emparé pour la réduire au silence une fois pour toutes. Avec une pensée du genre : Puisque je ne l'ai pas ... personne ne l'aura !

  • Oui ? Mme Donat s'étonne. Elle s'attendait à une enquête en règle, des questions et voilà que Piron la fixe de ses yeux à la fois globuleux et pensifs.

  • D'abord ... première question. Qui ...A ce moment, le portable du lieutenant sonne :

  • Oui ? C'est  un collègue. Il appelle du commissariat : 

  • L'enquête est close, on tient le type !

  • Le type ?

  • Oui, il est venu se dénoncer lui-même. C'est Riri ... tu sais bien, le SDF. Tôt ce matin, après une nuit bien arrosée, il zonait du côté de la bibli. Il a vu une femme. Dans son délire, il l'a prise pour la sienne qui l'a quitté il y a 5 ans. D'où, hop ! Coup de couteau. La pauvre victime ...

  • Mme Blanche ...

  • Oui. Donc elle a juste eu le temps d'ouvrir la bibliothèque, de s'y enfermer ... pour agoniser, au final, sur la chaise où on l'a trouvée.

  • Tu m'en diras tant !

  • Je suppose que, dans ta petite tête, tu étais déjà en train d'échafauder des kyrielles d'hypothèses ...

  • Moi, dit Piron, tu rigoles ! Je n'ai AUCUNE imagination ! 


Gérard


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Saleté de Madame Blanche

Depuis des mois l’inspiration lui manque.

Comme une âme, s’il en possède encore une, comme une âme en peine disais-je, il erre dans la maison, dans le jardin, dans la ville sans rien voir.

Plus de curiosité, le regard sur les choses et les gens reste en surface, aucune sensation, aucun sentiment ne lui parvient, il reste hermétique à ce qu’il entoure.

Il respire, marche, mange, boit, parle sans être là… Si au moins il se sentait ailleurs… mais rien.

Ce corps déambule, il le regarde bouger, c’est lui paraît-il…

Il ne l’aime pas ce corps, dégingandé, trop grand, trop fin. Un sourire figé. Celui qu’il utilise lors des dédicaces, charmeur auprès des femmes et des hommes ; des clients, seulement des clients.

Au début de son succès il a adoré ces regards partagés, complices dans leur plaisir commun. L’histoire écrite appréciée par ce lecteur, là, devant lui, de fait l’écrivain et le lecteur s’aimaient déjà, communiaient par un sourire complice. Que de doux frissons alors…

Il inspecte ces souvenirs sans mélancolie, sans joie, sans réelle conscience d’avoir été cette personne heureuse.

Pierre, oui il s’approprie totalement son prénom, il est pierre. Une pierre lisse, les mots, les caresses, la pluie, la tristesse, la beauté glissent sur lui, l’érodent doucement.

Il se dirige vers la bibliothèque, prend le coupe-papier et poignarde la feuille désespérément blanche, «Saleté de Madame Blanche, tu ne me provoqueras plus».

Patricia

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Sa dernière lecture


C'est à 8 heures du soir qu'on retrouva Madame Blanche dans la bibliothèque. Elle était assise dans un fauteuil crapaud, mais elle qui avait été une grande lectrice ne lisait plus, même si un mince volume se trouvait encore sur ses genoux, apparemment retenu par les plis de sa robe. La femme enjouée et accueillante, qui les avait tous invités pour le week-end, était morte. Par la faute d'un couteau de cuisine que quelqu'un avait planté dans son ventre. 

Son mari, Francis, se rua sur son portable, pour appeler la police - C'est quel numéro, déjà ? - tandis que les autres restaient les bras ballants, ne sachant que dire ou faire. Retourner dans le hall, sortir dans le jardin, tout mouvement paraissait interdit, en tout cas déconseillé puisque susceptible d'être mal interprété, plus tard. 

Ce plus tard, c'était le moment, fastidieux, de l'enquête. Deux policiers, des inspecteurs ou adjoints, on n'avait pas bien compris quand ils s'étaient présentés, en quelques mots - à la façon de professionnels ayant hâte de se mettre au travail. 

Tout avait l'air très simple. Ou très compliqué, selon le point de vue d'où on se plaçait. Aucun des invités ne se rappelait avoir franchi la porte de la bibliothèque. Renaud, la quarantaine sportive et le sourire facile, résuma ce qui pouvait être le sentiment général : « Eh... ! On est en week-end, on ne va pas se précipiter dans les bouquins ! » 

Le plus âgé des policiers remarqua que Madame Michaud, la cuisinière mais aussi bien jardinière, et intendante, et à l'occasion secrétaire de Francis, manifestait une sorte d'hésitation. Il la pressa, peut-être avait-elle quelque chose d'autre à dire ? 

Elle se troubla, Après une courte et intense réflexion, elle lâcha, d'une voix étouffée : 

- Il y a un quart d'heure, j'ai aperçu... Francis qui se faufilait hors de cette pièce !

Les deux policiers de regardèrent, surpris d'être, pour ainsi dire, déjà au bout de leurs peines. La femme ajouta, brusquement suppliante : 

- S'il vous plaît, ne lui dites pas que c'est moi qui l'ai... dénoncé !

- Ce ne sera sans doute pas possible, Madame, répliqua, sans brutalité, le plus jeune.

Ils lui tournèrent le dos et se mirent en quête du mari. 

Celui-ci avoua, assez rapidement - comme si, au fond de lui-même, il ne s'était pas attendu à s'en sortir comme cela..                                                                   - Je ne sais pas ce qui m'a pris, confia-t-il à ceux qui l'interrogeaient. Elle s'était aperçue que je la trompais... Ce n'était pas la première fois, pourtant, ni la première fois qu'elle le savait - mais là, elle l'a particulièrement mal pris... Peut-être parce que c'était avec Régine, je veux dire Madame Michaud, ma secrétaire, oui ! 

Il soupira :                                                                                                            - Vous savez, je ne travaille pas, enfin, je ne gagne pas ma vie, quoi ! C'est ma femme qui subvient, et là elle était tellement furieuse, elle m'a prévenu qu'elle allait me couper les vivres, et demander le divorce ! Alors, alors, j'ai vu rouge, qu'est-ce que vous voulez ! 

Alain