Alors, qu'en as-tu pensé ? J'ai cru mourir à chaque instant. Nous roulons à droite : ils roulent à gauche. Nous avons le système métrique : ils comptent avec leurs pieds. Je ne te parle pas de leur cuisine : une tourte à ceci, une tourte à cela. Ils parlent anglais : leur devise est en français. Et leur Brexit, tu te rends compte ? Je t'assure, les voyages ce n'est vraiment pas mon truc. Tu vas me trouver un peu fermé mais pour moi : l'enfer c'est chez les autres.
Juan
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Dans une immense ville se trouve un grand immeuble de verre , puissamment éclairé , siège d'un consortium international aux capitaux inépuisables et aux responsabilités limitées. C'est une tour située dans un quartier d'affaires ; on voit les tours de bureaux vomir par leurs portes vitrées des cohortes de damnés souffreteux aux yeux exorbités suppliant qu'on les délivre. « Rien à faire » hurlent les managers en en stricts costumes trois pièces ; « vous avez aimé l'argent jusqu'à l'inacceptable, ici vous allez continuer. Le plus amusant est est que vois ne vous en lasserez jamais , ainsi vous souffrirez éternellement , quant on aime on ne compte pas ». Un autre immeuble se dressait plus loin dans un quartier plus pauvre , on y entendait hurler ceux qui avaient pratiqué outrageusement la luxure. Dans un autre immeuble ,situé dans un quartier encore plus pauvre et mal éclairé, on croisait les voleurs, les tricheurs , les escrocs. Je continuais à évoluer vers un vieux bâtiment vermoulu d'où s'échappaient des cris de souffrance , là on enfermait ceux qui avaient trahi, s'étaient parjurés qui avaient dénoncé pour de l'argent ou qui avaient fait le malheur de leur prochain. Ici pas de lumière étincelante , on s'éclairait à la bougie. Les damnés souffraient dans la pénombre et se mordaient les mollets les uns les autres. Finalement mon guide me proposa de revenir vers mon monde qu'auparavant je jugeais imparfait et il me dit de bien réfléchir , car parvenu dans cette vile il n'y aurait plus de moyen d'en sortir jamais. « Alors réfléchis bien avant d'être confié à la liberté du patron. Le vieux Belzébuth est un sale caractère, crois-moi. Alors retourne sur terre, tu as bien mieux à faire et regarde les tableaux de Jérôme Bosch, tout y est dit ».
Gérard
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L’Enfer, pour y avoir passé un jour, c’est la même chose
qu’ici mais en pire.
Un jour, j’en avais marre. Je me suis dit, je me barre d’ici,
je lâche tout et je m’en vais. Je vais voir de l’autre côté.
Ici c’est tout pourri, le paradis on doit s’emmerder, alors
qu’en Enfer on doit s’éclater. Petits diablotins, grands feux, tenailles, enfin
on doit se marrer. Pas besoin d’être sympa, pas de loi, la gentillesse on s’en
fout, la sagesse on fait tout l’inverse.
Alors j’y suis allé.
Je suis arrivé dans une grande plaine, déserte, isolée,
perdue dans l’immensité.
Rien. Le néant. Le vide. Une longue absence sans commencement
ni fin. Une éternité de rien.
J’étais sacrément déçu.
J’ai commencé à chercher, les diablotins, les feux, les
marmites, les chaudrons, les tenailles. Mais rien. Personne à tourmenter. Même
pas un peu de vie, un peu de souffrance. Des cris, des pleurs. Juste rien.
Le néant.
Une vaste étendue de vide.
Alors j’ai appelé, j’ai crié, j’ai hurlé.
Mais pas même mon écho ne me répondait.
J’ai marché, j’ai couru, mais pas même mon corps ne me
répondait.
J’avais disparu.
Mon corps s’était dissipé dans un brouillard sans fumée, dans
un espace sans temps, où rien n’existe qu’un trou béant.
Alors j’ai flippé. Une de ces peurs au-delà de ce qu’on peut
imaginer. Si j’étais coincé là à tout jamais ? Oublié ?
Inexistant ? Dans un espace-temps qui n’existe que dans ma psyché ?
Ma psyché, ma psyché, coincé là tout seul.
Perdu à tout jamais.
Sacrée défonce. Faut que je renonce.
Le vide de mon existence, en plein dans ma gueule.
Faut que je sorte de là. Faut que je revienne.
Mais pas d’issue.
Une longue étendue. De rien.
J’ai disparu.
Plus que la peur, une longue démence, une longue errance.
Pourtant je suis là, quelque part, mais je sais pas où.
Alors je pleure, je crie, je hurle. Mais aucun son, je suis
perdu.
Et puis un choc. Un deuxième choc.
Électrochoc.
Mon cœur redémarre.
Des sons, du bruit, de la vie.
Agitation, lumière, on s’affaire.
Autour de moi de la vie.
Concentration, occupation, son des machines.
Mon cœur, mon cœur. Palpite, vibre, et redémarre.
Battements, battements du cœur. Je suis en vie.
Sacrée défonce. Quelle connerie.
J’écoute mon cœur. Je m’accroche à ce cœur.
Vas-y mon vieux, je te ferai plus ce coup-là, c’est bien
promis.
A partir de maintenant je m’accroche à toi mon cœur, je
choisis la vie.
Et pour la première fois un peu de chaleur. Là, sur ma
poitrine.
Plus de trou. Plus de vide.
Je suis en vie.
Mon cœur est là.
Je l’avais oublié, mais maintenant il bat.
L’enfer c’est quand t’y es pas.
Ça y est, j’ai bien compris.
Le chemin du cœur j’ai retrouvé.
Agnès Sarah