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Elle ne savait pas où elle
allait, ce qu’elle allait faire, comment elle allait réagir à tout ce que la
vie lui envoyait… Elle côtoyait l’abîme : c’était une image, bien sûr,
mais elle sentait qu’elle était juste. Un pas de côté et c’était la fin. A la
banque, elle était dans le rouge. Le conseiller l’avait déjà appelée plusieurs
fois :
-
Mlle Lebon ?
-
Oui
-
Dorothée Lebon ?
-
Elle-même.
-
Vous savez que votre compte, depuis trois
semaines, est…
Elle raccrochait à chaque fois.
Dorothée vivait à Seclin,
dans le nord. Ce 12 juin, elle avait pris les factures impayées et en avait
fait un joli tas sur la table de son studio. Elle avait rendez-vous le
lendemain pour du travail : un espoir.
Pourtant, le soir, elle
s’habilla joliment et partit vers 22h pour aller danser au
« Bacaluna ». Quelle soirée ! Quels bons moments elle passa avec
ses copines, Leila, Karine, cette grande bringue de Fatouma et même Vanessa
qui, soudain, ne lui faisait plus la tête.
Dorothée utilisa son dernier
billet de vingt euros pour rentrer en taxi, vers quatre heures du matin.
Inutile de dire qu’à neuf heures et demie, quand son portable sonna et que le
recruteur s’inquiéta de son absence, elle ne put que répondre : J’ai pas
vu l’heure !
Fantasio
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Danser au bord de l'abîme
Caresser l'indicible
Fleurter avec le pire
Chanter des notes noires
S'émerveiller face à l'impensable
Batifoler avec sa souffrance
Respirer le gris de l'étouffement
Entendre ce que l'on ne dit pas
Ecrire ce que l'on ne ment pas
S'amuser en chutant
Rire en plongeant dans l'éternité ...
Ziza
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J'imagine une falaise très haute, vertigineuse, terriblement verticale, constituée d'une roche friable de couleur marron clair avec du gris foncé et les traces vertes de la mousse. Une odeur forte d'algues marines envahit l'atmosphère ; cela sent la mer. Des mouettes volent en décrivant de larges cercles à la recherche d'éventuelles proies ; volant de la même manière que les mouettes, des goélands ; tous deux ont aussi mauvais caractère l'un que l'autre et entre eux aucun dialogue n'est permis. L'homme et la femme sont montés par l'étroit sentier menant au sommet de la vertigineuse falaise. Lorsqu'ils se trouvèrent au bord du précipice , leurs yeux se perdirent sur la mer et au loin on pouvait voir à perte de vue la crête moutonnante des vagues qui formaient un vaste troupeau dont l'homme et la femme auraient pu être les bergers. Le vent soufflait et un étrange équilibre s'était peu à peu établi ; un rien aurait pu le rompre, cependant il se maintenait, le temps semblait s' être arrêté. Seuls les cris des oiseaux de mer tissaient une sorte de fond sonore que rythmait la puissante pulsion de la mer. Qu'allait faire ce couple ? Pas grand chose. Contrairement à toute attente, ils reprirent le chemin et se mirent alors à le parcourir paisiblement en sens inverse, appréciant ce moment de plénitude. Quant à moi, en levant la tête de mon livre, je pris conscience que j'avais raté ma station de métro, je serai en retard, je n'ai pas vu l'heure.
Gérard