Temps d'écriture : 20 minutes
Enfant, j'ai lu...dévoré des livres plus ou moins épais, plus ou moins intéressants. Certains m'ont passionnés.
Mes grands-parents habitaient une petite ville grise...et leur pavillon en briques n'avait aucune fantaisie. Ma grand-mère, chignon austère et tablier à dominante noire, ne respirait pas non plus la joie. Imaginez donc ma joie de découvrir, dans un coin de la chambre que nous occupions avec mes frères, plusieurs volumes de "Rocambole".
Mais si, Rocambole, ce héros de papier qui déroula ses aventures au long de feuilletons interminables. Rocambole ! Enfant trouvé, aventurier devenu sur le tard redresseur de torts...tout en lui m'enchantait : sa faculté à fréquenter différents milieux, les gares mal famées, les bas-fonds mais aussi les palais. Il côtoyait les duchesses, les princesses, vivait des amours impossibles dans le grand monde, cherchant souvent à échapper à la menace que lui faisait courir Sir Williams, son ennemi juré. Et surtout, surtout, tel Arsène Lupin après lui, Rocambole changeait de nom, d'apparence, de visage...
Plus tard, à l'occasion de fêtes de Noël ou d'anniversaires, d'autres volumes de ses aventures entrèrent dans la maison. Nous les lisions, je les lisais...m'y plongeais le soir, à le lueur d'une lampe de poche (pour ne pas me faire remarquer après l'extinction des feux). Je me détendais, calais ma tête sur l'oreiller et retrouvais ces aventures invraisemblables où l'auteur en rajoutait, tirait à la ligne, mais avec tellement de brio. L'heure venait où, les yeux me piquant, je plantais un marque-page dans le livre au papier jauni avant d'éteindre la lampe.
Le scandale mondain éclaterait-il ? Rocambole mettrait-il enfin la main sur l'héritage du banquier Robillard ? Échapperait-il une fois encore à l'inspecteur Benoît ?
Fantasio
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J'aimais bien le Prisonnier. Avec une majuscule : il ne s'abaissait pas à avoir un nom, en tout cas pas à le donner à tout le monde. Il revenait toutes les semaines, sur la même chaîne - et dans les mêmes chaînes, pour ainsi dire... Et même qu'il les secouait, toutes ces chaînes, il se démenait même comme un fou. Eh oui, bizarrement, il ne voulait pas rester le prisonnier sans nom, il trouvait que prisonnier ce n'était pas un métier, et que ce n'était pas sa vocation non plus.
Nous, s'il nous avait demandé, on lui aurait conseillé de continuer, de rester comme ça. Parce que nous, c'est ça qui nous plaisait, tout simplement.
Et puis d'abord (c'est ce qu'on lui aurait dit, si on l'avait croisé dans les rues du village) : si tu t'évades, après, tu feras quoi ? Et d'abord, tu sais combien ça coûte, une cavale ? Et puis, tu ne connais plus personne, dehors, tu n'as plus les codes, tu te feras reprendre... !
- Et il a dû nous entendre, quelque part, là-bas. Parce qu'il n'a jamais réussi à le quitter, ce fameux village où il habitait malgré lui. Semaine après semaine, on le retrouvait, et c'était toujours aussi bien. Et même que nos parents acceptaient qu'on le regarde, et qu'on fasse nos devoirs seulement après ! Ce qui était très bien aussi...
Alors que pour Le Saint, ils étaient intraitables : les devoirs d'abord - Mais de toute façon, Le Saint, on aimait moins !
Alain