dimanche 1 juillet 2018

Ecrire d'après un tableau ...pris au hasard



A partir du tableau de Gainsborough, "les sœurs Linley"

Temps d'écriture : 15 minutes

Mais pourquoi ne me regarde-t-elle pas ? Elle, c'est l'aînée, la belle, la future Lady Hudson...alors que moi, la cadette, la moche, on s'accorde à ne me voir aucun avenir.
Elle étudie la musique, Elisabeth et ne se fait pas prier pour exhiber ses partitions devant le peintre. Moi, je prends l'air un peu lointain, je regarde vers les écuries. Oui, j'adore les chevaux...et les palefreniers, accessoirement.
Elisa est trop parfaite, elle m'énerve. Sa robe est rigueur et passion, riche de promesses. Moi, j'ai l'air d'être habillée au "décrochez-moi-ça". Des fanfreluches, des rubans, pour un garçon manqué comme moi !
Elisabeth fera un beau mariage, dont les salons bruiront longtemps. Je briserai des coeurs, je deviendrai la honte de la famille et un jour, on me mariera contre mon gré. A vingt-quatre ans, je ferai une fin avec un capitaine qui m'embarquera, direction les Indes. Pour longtemps.
Du thé, des boys, des soirées à jouer au whist avec d'autres femmes d'officiers...
j'y userai ma jeunesse. Un jour, je ferai une fugue, je me perdrai, on me ramenera et mon mari, à partir de ce moment, sera très très patient avec moi. A cause de l'entourage.
Et des enfants.
Nous en aurons deux, John, comme son père...et Andrew.
Je transmettrai au plus jeune mon ennui distingué et à l'aîné, j'espère, ma révolte. Le peintre s'active, il nous a presque terminées, tant mieux, parce que j'ai mal au cou.
Vivement qu'il ait fini, que je puisse aller boire un bon verre de brandy !

Fantasio


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A partir du tableau ci-dessus


Je suis avec mon ami de toujours, Jean. Il est venu m'arracher à mon sommeil aux aurores en tambourinant comme un fou la porte en bois de ma petite maison située rue de la Truanderie au cœur de Châtelet.
Il était très agité et confus dans ses propos. Il parlait très vite, le souffle haletant d'avoir tant couru dans Paris!
J'ai saisi quelques mots qui n'avaient aucun sens. "Vite, lève-toi! C'est une horreur! Dépêche-toi!". Je n'ai que le temps d'enfiler prestement mes chausses de cuir de moutons et hop, nous voilà à courir dans les ruelles étroites du vieux Paris jusqu'à nous retrouver sur le bord de la Seine, à tout juste une centaine de mètres de la Belle Notre Dame, la fierté des parisiens...Et là, Ô stupeur, mon cœur s'arrête de battre devant une telle scène! La scène est rouge ...rouge de sang! Des milliers de corps flottent, sans vie. La plupart de ces gens ont été sauvagement égorgés. Hommes, femmes, enfants...les corps sont multiples. Ils avancent lentement en procession au rythme du courant de la rougeoyante Seine.
C'est un massacre. Un cauchemar. Même pire qu'un cauchemar. Un cerveau en sommeil ne pourrait imaginer de telles horreurs! Seul l'homme en pleine conscience est capable du pire...
Je n'ai aucun recul. Aucune perspective sur cette scène d'horreur que je reçois si violemment et pourtant, je pressens que ce 24 août 1572, jour de la Saint-Barthélémy deviendra une date majeure dans l'histoire de France. Et c'est précisément ce jour-là que j'ai cessé de croire en Dieu ...

Ziza