Choisissez un conte pour enfant, parmi les auteurs les plus connus : Perrault, Andersen, Grimm... et racontez-le à votre sauce, d'un autre point de vue.
Par exemple, au lieu de raconter le point de vue de Cendrillon, racontez celui de la méchante marâtre, pour la rendre moins caricaturale. Elle pourrait aussi avoir ses propres problèmes, son propre passé d'enfant martyre, ou autre...
CENDRILLON REVISITEE
Je sais qu'on ne m'aime pas, mais ça m'est égal : je suis Cunégonde, la demi-soeur de Cendrillon. Pourquoi est-ce qu'il n'y en a que pour elle, je ne comprends pas.
Quand notre père s'est remarié, il nous a fait venir, ma soeur Berthe et moi, au palais. On avait de beaux habits, des serviteurs ... et on aurait dû partager avec une fille d'un "premier lit" comme on dit ? Cette nommée Cendrillon, elle n'était pas trop moche, d'accord, et notre père l'adorait : une raison de plus pour la transformer vite fait bien fait en souillon. Pour qu'elle devienne notre femme de chambre, notre servante ... notre esclave. Ha, ha ! On a bien ri, avec Berthe, de la voir avec son museau noir et ses hardes, tâcher de trouver un morceau de pain dans les restes de nos festins !
Quand il y eut cette fête, Cendrillon n'était pas invitée, bien sûr. Elle n'avait rien à se mettre ! Nous, parées de nos plus belles robes (satin, soie et tout le toutim !), on était fin prêtes, nous poussant du coude à la pensée de Cendrillon cherchant, dans ses frusques de mendiante, une tenue à peu près acceptable. Sûr qu'elle n'y arriverait jamais !
Mais quand on l'a vue débarquer au bal, mieux habillée que nous, plus élégante, plus chic, plus ... tout ça, quoi, notre sang n'a fait qu'un tour. Il y avait là un mystère qu'il faudrait bien éclaircir un jour ou l'autre.
Ai-je dit, non, je ne crois pas, que Cendrillon avait des chaussures incroyables : tout en vair, c'est à dire en fourrure ! On a écrit depuis, dans "Gali" ou "Vois ça" que c'était des chaussures en verre. Ha, ha, les journaleux, je ne vous souhaite pas d'essayer de marcher ou de danser avec des chaussures en verre ... c'est pour le coup que vous auriez très vite des éclats dans les orteils !
Bref ... à minuit, on a vu notre demi-soeur toute nerveuse. Elle ne vivait plus ; Elle regardait la pendule, puis encore une fois la pendule et elle a fini par s'en aller très vite. Par s'enfuir, devrais-je même dire, ce qui n'était pas très fûté vu qu'elle avait un ticket long comme ça avec le prince de Machintruc. Elle a dévalé les escaliers du palais à minuit moins deux ... en laissant, au passage, tomber une de ses pantoufles de vair. Le prince, cet abruti, au lieu de se rabattre sur de la volaille encore acceptable, ma soeur et moi, en l'occurrence, voilà qu'il récupère la pantoufle et qu'il la serre sur son coeur et qu'il lui fait des mamours. Ha, ha, il était vraiment mordu, le gars ! En plus, il a décidé qu'il épouserait celle qui pourrait enfiler la pantoufle. On s'est mise sur les rangs, Berthe et moi, mais elle avec son 39 et moi avec mon 42 fillette, on n'a jamais pu glisser notre pied dans cette pantoufle de naine.
Le prince a tout essayé, des paysannes, des duchesses, mais bernique ... personne n'arrivait à mettre la pantoufle. Au bout du compte (ou du conte) il est revenu au château où le roi a bien voulu que sa première fille, la souillon, Cendrillon, donc ... essaie la pantoufle. O miracle, elle lui allait. Pas compliqué, puisque c'était la sienne ! Le prince, tout réjoui, l'emmène sur son cheval blanc pour en faire sa femme. Et toc !
On a bien sûr été invitées au bal ... mais la marraine de Cendrillon, un peu fée, l'a vengée : elle a fait verser notre carrosse dans une mare pleine de crapauds et de serpents. Ouh, les vilaines bêtes !
Gérard
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Je ne sais pas ce qu'elle veut, cette gamine !
Ah ! Je commence à en avoir jusque-là : chaque week-end c'est le même cirque, la gamine s'amène le vendredi soir, vers les 6 heures, avec l'air enfariné et un panier au bras... Coucou, Maminette, c'est moi... !
Je vois bien que c'est toi, j'ai encore ma tête, et le reste, grâce à Dieu ! Pardi, je la reconnais, toujours habillée comme l'as de pique, avec ses jeans déchirés - il paraît que c'est fait exprès, c'est tendance, tu parles ! - et ses piercing, ça j'ai du mal à supporter... Si elle voulait, elle serait mignonne, je ne comprends pas qu'on se défigure pour le plaisir ! Et maintenant, c'est nouveau, cette espèce de chapeau rouge, une sorte de capeline, ou de casquette, bref, une horreur encore, ça aussi ça doite être tendance... Tendancieux, comme argument, je trouve, moi !
Bref, et comme chaque fois, elle me fait le même cinéma : Devine ce que j'ai dans mon panier... ! - Oh ! Elle se prend pour l'animatrice de la valise RTL, ou quoi ? Quand j'étais gamine, à la radio il y avait L'Homme des vœux Bartissol, je crois que c'est une espèce de vin cuit... Le type se promenait dans la rue et interpellait les gens avec des questions à la con, et celui qui, premièrement l'identifiait comme l'homme des vœux et ensuite avait sur lui des capsules de l'apéritif en question, gagnait : x francs par capsule... Tu parles d'un truc !
Donc, Adeline (Adeline... ! Où est-ce qu'ils sont allés chercher un prénom pareil ?!) secoue son panier... Comme si je ne devinais pas, à force, ce serait malheureux ! Ses parents m'envoient « des spécialités du terroir » - comme si c'était le trésor de Rackham le rouge, ou je ne sais quoi ! Déjà, c'est moi qui vis dans un village, eux ils sont juste adhérents à une AMAP, il y a bien de quoi frimer !
Je ne dis pas, c'est l'intention qui compte, seulement il y a toujours des trucs que je n'aime pas, genre topinambours ou aubergines - seulement c'est un lot, il faut prendre le tout, c'est comme ça !
Ce qu'il y a, en fait, c'est pas tellement une enfant qui aime beaucoup sa grand-mère... Bon, elle m'aime bien, on s'entend bien, toutes les deux, d'accord... Mais le fond de l'affaire, c'est que ses parents - ma fille et mon gendre, donc - se débarrassent d'elle chaque fin de semaine, comme ça, tu comprends, Maman, on peut se retrouver, avec Jean-Paul... Oui, je comprends bien, mais enfin elle a d'autres grand-parents, la petite, du côté de Jean-Paul (ou alors j'ai rien compris aux Sciences naturelles!), sans compter les copines, en plus elle a peut-être un mec, avec qui elle pourrait profiter de deux jours de liberté, ils s'enverraient en l'air, ils me feraient un arrière-petit-fils ou fille - mais un garçon ce serait bien : je n'ai pas eu de fils, ma fille non plus...
Non, en fait, ce qui me gêne, dans tout ça, c'est que ça m'empêche - enfin, pas complètement quand même, disons que ça me gêne un peu - de vivre ma vie de femme, moi, il y a Louis qui vient me rendre visite. On joue à des jeux, par exemple, il joue au grand méchant, Louis, et moi à la petite Cosette qui est en même temps l'une des deux orphelines... On mélange tout, on s'éclate !
Mais finalement, l'appartement est grand, Adeline ne nous gêne pas tant que ça. Et puis on l'envoie dehors, au cinéma ou en boîte, elle est ravie, elle ne reste pas dans nos pattes !
Au fond, c'est plutôt une bonne nature, cette gosse...
Alain
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Revu et corrigé !
Les contes de fées et leur morale participent à l’éducation des enfants, d’hier et d’aujourd’hui. Ils leur inculquent des valeurs et leur apprend à distinguer le bien du mal.
Mais en qualité de Belle au bois Dormant, il est temps que je me réveille pour enfin libérer ma parole !
Effectivement, le conte remanié de Perrault a mal vieilli et ne correspond plus aux attentes de la société actuelle. Il répondait aux valeurs de la haute bourgeoisie de l’époque, quand la patience et la passivité étaient alors les plus grandes qualités attendues d’une femme, qui passaient du joug paternel au carcan du mariage…après 100 ans de sommeil imposé par une méchante fée !
Nous sommes aujourd’hui en 2020, et ce diktat m’est à présent insupportable ! Et pour cause, Mai 68 et un vent de liberté des femmes a soufflé…et la tempête #me too a effacé les derniers vestiges de la domination masculine.
Il est inconcevable de continuer à véhiculer ces valeurs d’attente et de soumission, comme suggéré par mon comportement dans le conte de la Belle au bois dormant (que Perrault a remanié autour de 1697). Et encore, je ne me plains pas, la version originale était bien pire (« Soleil, Lune et Thalie »), dans lequel le Prince me violait pendant mon siècle d’endormissement …! Si, si, c'est vrai, je n'invente rien et je vous invite à découvrir le conte à son origine.
A l’heure où la question du consentement se pose (depuis quelques mois seulement), il me paraît urgent de réécrire mon histoire …afin que toutes les princesses qui sommeillent en chaque fillette, aient aujourd’hui conscience qu’elles ont le choix de leur destin ! Et que tous les Princes charmants soient convaincus qu’ils ne soient plus les seuls à pouvoir exprimer leur choix …et c’est seulement ainsi que pourront s’écrire les plus beaux contes, dans les livres d’enfants et dans nos vies 😊
En attendant la réécriture du conte, j’ai décidé de ne plus dormir pour vivre pleinement ma vie de femme et rattraper ce siècle de sommeil!
Ziza