samedi 5 août 2017

Et neuf mois plus tard, je suis né(e) - avec comme inducteur la photo de Brassaï ci-dessous (Couple d'amoureux, 1932)



Ils se blottissaient l’un contre l’autre, elle sentait contre son front le bord du chapeau de mon père. – Quelle idée, aussi avait-il …de toujours mettre ce chapeau ? Elle soupira, se rappelant qu’en fait, il était prof et très jeune, vingt-deux ans… alors il avait adopté ce feutre pour se vieillir. Et il le gardait, pourquoi ? Ce soir où il faisait encore doux. Ma mère, elle, avait dix-neuf ans. Elle ne sortait après dîner qu’avec l’aval de sa propre mère, une maîtresse-femme, institutrice de métier.
Tout ceci se passait dans une petite ville du centre de la France. Ils étaient venus à la fête, cotillons, manèges…, mais à présent la fête était finie. Minuit sonnait, il fallait rentrer. Lui, hébergé par sa tante, depuis la mort de ses parents, n’avait pas ce problème. Elle respira profondément, à la fois pour dire qu’elle était bien et, en même temps, pour suggérer qu’il faudrait qu’ils bougent.  Il saisit les deux intentions. Une dizaine de kilomètres les séparait du village où elle vivait. Il la déposerait d’abord, bien sûr, puis bifurquerait vers St-Martin-du-Gué pour  aller chez lui.

Il y avait des chaises vides autour d’eux. Et une charrette. Son scooter était garé derrière. Le vent les rafraîchit dès qu’ils furent partis et l’air leur fit du bien. Les bords de la route fuyaient dans la lumière du phare. A Gignac, enfin c’est le village que crut reconnaître ma mère, le moteur du scooter toussa et s’interrompit sur un dernier hoquet. Quoi faire ? Finir à pied ? Oui, c’était possible. Ce qu’ils firent, heureux, finalement, de traîner encore en route, grâce à cet incident qui les rapprochait. Comme il était encore loin de chez lui, la terrible mère de ma mère consentit, de mauvaise grâce, à le laisser dormir sur le canapé du salon. Elle leur souhaita une bonne nuit d’un ton rogue et, un peu rougissante, ma mère se rapprocha de son fiancé pour lui dire bonsoir.  Le contact s’éternisait. Il prit alors l’initiative d’éteindre la lumière et de l’entraîner vers l’escalier.
Une porte. Sa chambre à elle.


Elle sourit dans le noir, sans protester particulièrement quand il s’assit à côté d’elle sur le lit.

Fantasio 


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Hiver 54. Les rues de Paris sont glaciales. La nuit est déjà tombée. Les rares passants se pressent pour retrouver leur foyer en se réjouissant de se retrouver autour du poêle.
C'est en hiver 54 que l'abbé Pierre lance son appel pour recueillir les plus démunis qui meurent de froid dans la rue.
Ce soir-là, le patron d'une petite imprimerie du 11ème sort de son entreprise vers 19h00. A peine sorti, le froid le saisit déjà. Il relève le col de son manteau pour se protéger. Son chapeau de laine, ses gants de cuir et son manteau en cachemire ne l'empêchent pas de ressentir ce froid sibérien. Il presse le pas afin de rejoindre son appartement situé à quelques rues de là.
Il traverse comme à son habitude le petit square quand tout à coup, il distingue une silhouette toute recroquevillée assise sur une chaise sous les grands arbres nus. Il s'approche presque machinalement car cette situation l'interpelle. Comment peut-on rester ainsi dans ce froid polaire?
Il s'approche et voit une jeune femme d'une trentaine d'année. Son regard est vide. Elle paraît absente à elle-même. Tellement absente que son corps ne réagit plus aux stimuli du froid polaire de cette nuit qui s'annonce particulièrement glaciale.
L'homme se sent désemparé devant cette femme mais il ne laisse pas son cerveau tenter une analyse qui sera de toute façon vaine... Il se laisse guider par son instinct. Il saisit une chaise en fer posée à quelques mètres de là, et la dépose à côté de celle de l'inconnue et s'assoit avec une grande délicatesse mais elle réagit pas à sa présence. C'est alors qu'il passe son bras avec beaucoup de douceur autour des épaules de l'inconnue. C'est à cet instant-là que l'homme sent un relâchement presque imperceptible du corps de la femme...


C'est ainsi que mes parents se sont rencontrés : et neuf mois plus tard, je naissais ...

Ziza


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Je coupai le moteur, reposai la tête contre le siège de la voiture et respirai un grand coup. Le cœur me battait fort dans la poitrine et mon souffle était court. J’avais envie de pleurer. Tout à coup, je doutai de ma détermination et eus presque envie de faire demi-tour. Trente-cinq ans pourtant que j’attends, que j’espère, trente-cinq ans de rêve, de doutes, d’imagination, trente-cinq ans à avoir besoin de repères, besoin de découvrir qui je suis pour pouvoir enfin me construire.
Voilà cinq ans que je me suis enfin décidé et que j’ai entamé mes démarches. Encouragé par Jeanne que j’avais rencontrée quelques mois plus tôt et que je voulais déjà épouser. Mais elle avait compris que pour cela, pour pouvoir avancer, pour pouvoir bâtir avec elle, je devais d’abord mettre un visage, des mots, une histoire sur des points d’interrogation laissés en suspens depuis si longtemps, depuis toujours.
Mes parents ont compris. Ils ne m’ont jamais rien caché. Bien qu’ils ne m’aient rien demandé, je les ai rassurés : quoi que j’apprendrai, quoi que je découvrirai, vous serez et resterez mes parents. Ma mère s’était mise à pleurer.
C’était vrai, oui bien-sûr, mais je lui ai tu que malgré tout l’amour qu’elle avait su me donner, je ne m’étais jamais endormi enfant sans rêver longuement dans mon lit au regard et à la chaleur de celle qui m’avait mis au monde et que je n’avais jamais connue. Non, puisque je suis né sous X et que l’on m’a adopté tout petit.
J’ai été chanceux dans mon malheur, Jean et Bernadette ont été bons et aimants. Malgré cela, toujours cette sensation, cette impression de vide logée au creux de mon ventre, ce trou qui n’a jamais pu être comblé ni rempli.
J’ai attendu, questionné, espéré, prié. Mes parents m’ont expliqué que lorsque je suis né, la loi interdisait encore de garder et de transmettre le moindre renseignement. C’était hélas sans espoir. En grandissant j’ai voulu oublier, croire que je n’avais pas besoin de savoir, croire même que je ne le voulais pas. En effet, et si la réalité se révélait terrible ? Tous mes beaux rêves d'enfant s’effondreraient. Ce serait un drame. Mieux valait ne pas savoir.
Mais c’était faux. Je n’arrivais pas à avancer. Sans racines, sans passé, sans identité, je me sentais en tout lieu perdu et étranger, étranger à moi-même, étranger à ma propre histoire.
Alors j’ai sauté le pas. J’ai fait le grand saut. Toujours pas le droit d’obtenir le moindre renseignement sur mes parents biologiques. Sur les conseils d’une association que j’ai contactée, j’ai alors posté une photo de moi avec une annonce sur les réseaux sociaux. De partage en partage, de commentaires en likes, ma bouteille jetée à la mer a fini par trouver une réponse… Je reçus le mail d’une vieille dame qui prétendait être ma grand-mère, la mère de ma mère de naissance, celle qui m’avait mis au monde mais qui n’en faisait déjà plus partie. Je fus totalement bouleversé, à la fois si heureux de recevoir son message ému et de retrouver une bribe de mon histoire, et en même temps effondré d’apprendre que jamais je ne pourrai goûter aux bras de celle dont j’ai tant rêvé.
Je suis là, devant la petite maison aux volets verts où vit cette vieille dame. Il est 14h, l’heure de notre rendez-vous. Je respire de nouveau un grand coup et me décide à quitter mon habitacle, dernier rempart contre la vérité, et à sonner à la porte.
Une petite dame aux cheveux blancs m’ouvre. Les yeux brillants d’émotion, elle porte la main à sa bouche : « Mon Dieu, mon Dieu, c’est toi… euh vous. Entrez, entrez donc. »
Je m’avance, le cœur battant la chamade, et m’installe à la table de la cuisine où m’attendent thé et petits gâteaux sur la toile cirée aux motifs fleuris. La dame s’assied en face de moi. Elle me regarde longuement, elle est si émue que sa voix étranglée ne lui permet pas de parler. Je n’en mène pas bien plus large.
Après de longues minutes de silence que ni l’un ni l’autre ne parvenons à rompre, elle se lève enfin et prend sur le buffet verni une vieille photo d’un couple enlacé sur un banc et la pose devant moi. «Voilà, me dit-elle. Neuf mois plus tard, vous êtes né. C’est une longue histoire. »

Agnès-Sarah


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Je regarde la seule photo retrouvée après l’explosion de la maison…

Ils s’étaient rencontrés au jardin des plantes, John visitait Paris, entre autre, en fait il terminait un tour d’Europe par une conférence sur les avancées dans le spatial à Paris, avant son envol.

Comme tout bon américain à la fin des années 50 il se sentait en pays conquis, il l’a conquise la jolie parisienne, même son accent à mâchouiller du chewing gum l’a émue.

Lili faisait des photos de quelques arbres en se promenant dans le jardin, il s’est posé devant l’appareil, interloquée par ce qu’elle voyait dans l’œilleton elle n’a pas déclenché, a éloigné ses yeux du viseur pour les poser dans les siens, … flash, coup de foudre, étincelles…

Ils se sont parlés, ont rit, se sont aimés quelques jours, les plus beaux de la vie de Lili, paraît-il. Je suis né 9 mois après, lui, a explosé dans la navette qui le ramenait de son périple lunaire…

Lili a sucé le passé comme un bout de zan….
Patricia

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9 mois après, je suis mort et né la même journée. De toutes manières, mon père avait violé ma mère qui était sa demi-sœur. D’ailleurs, ils ne se souvenaient de rien avec tout ce qu’ils avaient bu. Ils étaient dans le déni ainsi que toute la famille. Et moi, dans tout ça, même pas baptisé, je flottai dans les limbes entre enfer et paradis. Pour un mauvais départ, c’était un mauvais départ. Je remplissais une demande pour être réincarné.
- Oh, sait pas bien lire celui-là, gueula Saint Pierre, on n’est pas chez les indiens ici… 
- Les hindous, fis-je.
- Oh l’mioche, t’as même pas un jour, tu vas pas m’apprendre la vie…
Pas sympa le Pierrot !
- Bon, je pourrais pas avoir des ailes au moins comme l’autre là-bas…
- C’est à Gaby que tu parles comme ça, fit l’archange Gabriel et Marie, fout moi ce moutard à la crèche.
- Et oh, ça va pas, firent l’âne et le boeuf… On fait pas garderie.
Vraiment personne ne voulait de moi. Je décidai de remonter le Styx.
Oh le gros toutou…
- Gamin, tu t’éloignes, fit Cerbère, ou de mes crocs acérés, je fais de toi d la viande hachée.
Je partais mais auparavant, j’urinais dans sa gamelle.
C’est pas une vie la mort ! A peine, un jour que je suis né et mort. Je m’endormis et rêvais.
Je me voyais au bras d’une jolie maman et d’un bon papa aimant.
      - Où sommes-nous Jolie maman et Bon papa.
      - Nous sommes à la prison du temple, fit a jolie maman, et l’on vient chercher ton père pour le guillotiner. Ecoute Louis XVII, va jouer avec tes legos, ça va s’arranger.
Méfiant, je décidai de me réveiller et la je vis le soleil se lever.
J’en étais à mon deuxième jour.
- Encore ce mioche, gueula saint pierre, eh Gaby, ramène-le sur terre.
Et là, je me retrouvais dans une belle et grande maison, une espèce d’auberge.
-          Va chercher de l’eau, m’ordonna un homme
-          Mais, il fait nuit noire…
-          Eh Cosette, obéis, sinon, je te donne au soldat.
-          Mais je suis un garçon !!!
-          Pas grave, ils sont homos.
J’allai à la fontaine et là je rencontrai la belette magique qui m’emmena sur un nuage de lait au fin fond du pays des elfes. Et là, je grandissais, grandissais et devins un géant. J’allais chez André, mais il n’avait pas de chaussures de 80 de pointure.
            Do do, l’enfant do, l’enfant dormira bientôt…
J’étais dans les bras de maman qui sortait de la clinique. Mon papa, nous attendait dans la voiture. Il était tout fier d’avoir un beau garçon comme moi, tellement fier qu’il avait un peu bu… Tellement heureux de me regarder tout le temps qu’il ne vit pas le trente tonnes. Il freina mais je traversai le pare-brise.
« Putain ! Encore ce mioche », fit Saint Pierre en ouvrant la porte.
Philippe