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"Le téléphone sonne : qui espériez-vous entendre à l'autre bout du fil ? Qui est la dernière personne à qui vous aimeriez parler ? La première qui vous vient à l'esprit ? C'est le genre de question que Roy aimait se poser."
("Des bleus à l'amour" de Hanif KUREISHI)
TA VOIX ...
Le téléphone sonne…
C’est toi ? J’entends ta voix… douce ? Chaude ? Enjôleuse ? Je ne saurai la définir mais c’est celle qui me fait frémir.
A son écoute des frissons s’immiscent le long de ma colonne, électrisent rapidement ma nuque et mon visage, glace et brûle mon corps, plus rien d’autre n’existe que ta voix.
Au creux de cette voix un corps se dessine, il devient caisse de résonance de mes émotions.
Ce corps je le souhaite, je l’attends, je veux le saisir, le sentir sous mes mains, le deviner sous ma bouche...
Le corps m’échappe, les paroles se suivent loin, loin de moi, se prolongent, ont-elles un sens ? Pas celui que je souhaite, c’est certain…
Je dois répondre « oui bien sûr » ; « je prends note » « nous en parlerons à la prochaine réunion » « pas trop difficile cette nouvelle vie en province ? » « Ah, ah, le bruit des tondeuses remplace celui des voitures ? »
Tu es parti, loin, trop loin… je t’imagine, tu me racontes le jardin, les odeurs des fleurs et de l’herbe coupée, tes enfants … Rien sur ta femme, bien sûr.
Mais elle existe, tu es restée avec elle, mais c’est moi que tu aimes, bien sûr.
On en parle plus,
Tu prétextais «On s’est rencontré trop tard »,
Dommage ….
Tu me concèdes «aux réunions mensuelles, On se verra, On pourra boire un verre ensemble … après»
«On ...
On ...»
Je voudrais répondre : On ne se serrera plus l’un contre l’autre ?
Dommage, je crois que l’On aimait…
Parles-moi encore.
Dans ces moments d’échanges de mots simples, inutiles et … essentiels, tu existes POUR MOI SEULE, les senteurs, le soleil chaud, le ciel plus bleu là-bas, je le partage avec toi, nous sommes seuls enfin, racontes encore.
Patricia
Et si c'était elle ?
Quand la sonnerie du téléphone troua le silence du début de soirée, Roy commença par regarder la pendulette posée sur le meuble de la télé. Qui cela pouvait-il bien être, à cette heure-ci ?
La famille et les amis savaient, pertinemment, que c'était le moment où il dînait, et qu'il détestait qu'on le dérange dans cette circonstance qui, sans être sacrée pour lui, revêtait un intérêt qu'il ne dissimulait pas. Alors ? Quelque démarchage téléphonique ? Peu probable si tard, les solliciteurs qui d'emblée vous appellent par votre prénom dans l'espoir de vous mettre dans leur poche et qu'ainsi vous allez les écouter, le font plutôt en fin de matinée, avait-il remarqué.
Donc, quelqu'un d'autre. Priscilla, si ça se trouvait... Il attendit. Après quelques bip, le téléphone se tut. Roy laissa passer quelques minutes, cinq pour être précis. Si c'était elle, elle allait rappeler : c'était un jeu entre eux, repris d'un film d'espionnage qu'ils avaient vu ensemble...
Mais bon, là, ils s'étaient violemment disputés, des propos définitifs avaient échappé à l'un comme à l'autre, et elle avait claqué la porte. Un appel de sa part était très improbable.
Vingt-heures 37. La sonnerie se fit de nouveau entendre ! Roy bondit et décrocha. C'était elle. Cependant, contrairement à ce qu'il avait vaguement espéré, elle ne regrettait pas, ne téléphonait pas pour s'excuser ou proposer d'oublier l'incident de tout à l'heure. Ni pour écouter Roy tentant de faire les premiers pas vers la réconciliation. Non. D'une voix sèche et sans réplique, elle se bornait à confirmer qu'elle en avait marre, et a annoncé qu'elle passerait à l'appartement demain midi pour prendre ses affaires. S'il pouvait être absent à cette heure-là, cela serait mieux.
Alain
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Roy déboutonna son haut de pyjama et s'allongea mollement sur son lit. Après une légère hésitation, sa main
rejoignit son torse glabre et il se mit à le caresser distraitement en comptant les sonneries, évidemment
stridentes, du téléphone. Il aimait qu'on s'intéresse à lui et surtout se sentir aimé comme il s'aimait lui-même.
Et si c'était sa tante Nancy, cette fois, qui tentait de le joindre ? Nancy Himes était une vieille fille, mercière tout
là-bas, dans le coin dont il était originaire : il l'imaginait bien, écartant quelques boites de boutons posées sur
une table, calant l'appareil et se concentrant pour composer son numéro. Depuis trois ans qu'il avait quitté le village
pour rejoindre la capitale, Roy avait mené une vie pour le moins "agitée" : il avait eu des amantes ... plus quelques
amants, avait consommé pas mal de substances, dont la plupart étaient illicites, et s'il fricotait ces temps-ci avec
Emilio del Torres (69 ans), cela n'avait rien à voir avec le sexe ou les sentiments : Emilio l'entretenait simplement par
amour de l'art puisque Roy accumulait les scénar' et les projets, dans l'espoir de les voir aboutir un jour.
Oui, c'était peut-être Emilio ! Pour lui faire encore une scène ! Roy soupira : la veille, au cours d'une soirée où il
flirtait ostensiblement avec Sarah, un mannequin allemand très décolleté, Emilio avait passé une tête ... et plutôt
mal pris l'attitude de son
"protégé".
Et la tante Nancy ? A entendre ces sonneries qui se succédaient, Roy se dit que ça ne devait pas être elle.
Toujours pressée, elle se contentait de deux sonneries, trois au maximum, avant de raccrocher en jérémiant.
Si ce n'était pas Emilio non plus ... ça pouvait être sa vieille copine Victoria, pour lui proposer un tennis. Et il y
avait une chance, infime mais quand même, que ce soit Harry. Ce délicieux Harry !
Dans l'intervalle, Roy s'était redressé et se penchait vers son petit déjeuner, toujours accompagné des
sonneries du téléphone.
Harry ? Roy évoquait ses cheveux mi-longs ... son éternel perfecto et sa modestie jouée qui cachait mal le
prodigieux comédien qu'il pouvait être. Harry et son attitude ambiguë ... mais qui n'est pas ambigu, dans le
spectacle ? Drrrrr ! Roy s'escrima sur le couvercle du pot de confiture de framboise (son régal!). Il réussit à l
'ouvrir et le couvercle, lui échappant, se mit à rouler sur l'épaisse moquette grise. Drrrrrr ! Et voilà Roy à quatre
pattes, en train de courir après son couvercle tandis qu'il entendait toujours, de cela il était certain, les dernières
sonneries du téléphone. Allongé sur la moquette, Roy redressa la tête. A présent, c'était le silence.
Il réalisa alors que ce n'était pas le portable qui sonnait, mais le fixe.
Plus difficile, dans ces conditions, de savoir qui voulait lui parler.
Après tout, si c'était si important que ça ... il (ou elle) rappellerait !
Gérard
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Le téléphone sonne
Le téléphone sonne …et c’est à toi que je pense, étrangement, alors que je sais très bien que ce ne peut être toi. Tu as quitté ce monde il y a plus de 11 ans.
Mais en ces temps de confinement, le téléphone a sonné plus que d'habitude …et m’a permis de me rapprocher des personnes qui me sont chères en ces périodes difficiles. Ce nouveau rapport au temps aura permis à chacun de faire le point sur sa vie…et des figures plus ou moins lointaines, auront refait surface. Des amis du lycée, de la fac, des anciens voisins, des collègues que l’ont a quittés depuis longtemps, etc. Bref, ce confinement aura été synonyme de liens réactivés…de faire le tri parmi les gens qui comptent vraiment, ou qui ont beaucoup compté par le passé…cette période particulière aura fait mentir le célèbre proverbe! On peut dire aujourd'hui avec certitude que "Loin des yeux, près du coeur"!
Evidemment, tu ne m’as pas appelée mais j’aurais tellement aimé entendre ta voix. Parler de tout et de rien, de notre quotidien confiné. On ne se serait rien dit d’extraordinaire…juste quelques mots banals, sans grand intérêt. Pas de déclaration…ce n’est pas le genre de la maison ! Mais dans la banalité de certains mots se nichent le petit bonheur…la joie d’un éclat de voix. Une attention. Je ne sais trop. C’est ça, l’amour aussi…on n’a pas besoin de se le déclarer.
Ma chère grand-mère, tu ne m’as
jamais autant manqué que ces dernières semaines. J’ai beaucoup pensé à toi…tu as été la grande absente, alors j’ose
te l’écrire, je t’aime.