dimanche 28 janvier 2018

A partir d'un fait divers écrit par Fénéon


Même exercice (commun) avec la nouvelle : « Chez un cabaretier de Versailles, l’ex-ecclésiastique Rouslot trouva dans sa onzième absinthe, la crise de délirium tremens qui l’emporta. »
Temps d'écriture : 15 minutes
La maigre Adeline s’essuya les yeux : ça recommençait. Après ces deux hommes qui s’étaient entretués pour elle, voilà que son dernier amant, Jeannot Rouslot venait de trépasser. Le patron du cabaret « Au poisson couronné » (Versailles), était précis : Rouslot était arrivé vers vingt et une heures, soucieux. Il avait commandé une absinthe, puis une autre. De temps en temps, il s’essuyait les yeux, soupirait. A la neuvième absinthe, le patron avait essayé de raisonner Rouslot. L’avait saisi par le bras. Peine perdue, l’ex-ecclésiastique s’était débattu. Il avait marmonné dans sa barbe et se ruant sur les deux derniers verres qu’il avait commandés. Il les avait avalés, d’un coup. Son souffle était soudain devenu oppressé, son regard fixe. Il avait poussé un râle et fini par s’écrouler.

Adeline repensait à la douceur de ses mains, au côté rassurant de sa barbe, à sa calvitie distinguée. Une odeur la fit tressaillir : les patates commençaient à brûler dans la poêle. Elle se leva pour les remuer, laissant sur la table le journal où on lisait page trois, à la rubrique « faits-divers en trois lignes (de F. Fénéon) : « Chez un cabaretier de Versailles, l’ex-ecclésiastique Rouslot trouva dans sa … »
Fantasio
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Tintin, le propriétaire de l’Ange Bleu, connaissait bien Roger Rouslot, le prêtre défroqué qui pointait présent à toutes les soirées du cabaret. Ce dernier avait bien essayé de se couler dans la quiétude d’un foyer et s’était marié deux fois. Il avait trainé d’un petit boulot à l’autre, sans pouvoir se stabiliser. L’Ange Bleu devenait son principal point de chute. Il avait glissé dans les bras de toutes les callgirls de l’établissement. Elles le chouchoutaient et il les aimait toutes mais n’arrivait pas à se sociabiliser. Il avait trop vécu. Il devait beaucoup d’argent à droite et à gauche, et il était temps pour lui de partir. Il était décidé à partir par abus d’absinthe après avoir reçu les bises de toutes les filles de l’établissement.

Tintin trouva noté sous son porte-verre : « je pars heureux, selon ma propre volonté, parmi ceux qui comptent pour moi ».

Avantscene

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Le cabaret suait la tristesse, sur les murs lépreux se détachaient des lambeaux de papier peint, retombant lamentablement. Là se trouvait l'ex- ecclésiastique Rouslot, prêtre défroqué (qui se défroquait aussi quelques fois lorsque l'ivresse le conduisait aux plus incontrôlables écarts). C'était un homme, du moins ce qu'il en restait , particulièrement triste et malheureux qui était arrivé au terme de sa misérable vie. Il avait fini la dixième absinthe, l'alcool n'avait plus grand goût pour lui à présent ; pour Rouslot, cela ne signifiait plus rien . Il se hâta de commander, à crédit, la onzième absinthe et se mit en devoir de la consommer. A l'issue, le prit une horrible crise de delirium qui lui fit voir de drôles de créatures un peu partout, des rats, des cafards grassouillets et touts sortes de vilaines créatures touts plus épouvantables les unes que les autres. Elles le fixaient en rigolant, leurs yeux exprimant une ironie morbide et dévastatrices ; elles escaladaient la table et rampaient autour de lui, comme dans un tableau de Jérôme Bosch, il vit des flammes et se demanda si pour faire bouillir une marmite il lui aurait fallu une charretée de bois.L'incendie sembla alors l'absorber. Le serveur le trouva inanimé, assis à la même place , les yeux fermés et le regard désormais absent pour l'éternité. Décidément, Rouslot, Dieu ne t'a plus en sa Sainte Garde ; Il mourut en ce lieu sordide où il avait laissé ses derniers sous. Cette fois , il n'avait pas payé ses absinthes, il était mort à crédit.

Gérard

5 mots pour une histoire

Mots à utiliser (commençant par la même lettre) : Papou, Port-Salut, père, palindrome, pattemouille.
Temps d'écriture : 7 minutes
Quand il quitta sa Papouasie natale, Amidou marcha longtemps, traversa plusieurs pays et finit par arriver à la grande ville portuaire de Port-Salut. La commanderie avait une forme de fromage, d’où sans doute le nom.
Le jeune Papou voulait embarquer pour l’Europe, comme beaucoup ici. Il erra dans les souks, chercha une occasion, un plan. Chez un humble marchand de tissus, spécialisé dans la pattemouille, il se trouva face à un vieil homme au boubou multicolore en qui il reconnut son père, son père qui avait abandonné sa famille cinq ans plut tôt. Les deux hommes tombèrent dans les bras l’un de l’autre.

Amidou, éperdu, regardait l’auteur de ses jours qui disait : « Dieu est grand qui a permis qu’on se retrouve. Un jour, je le sais, tu reprendras l’affaire… » Le père, précisons-le, se nommait Uru. Un palindrome !
Fantasio
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 « Bonjour à vous, les papous et mamous de Port Salut, Mme le Maire, au Père Palindrome Eulalie de l’Espérance, aux sœurs du couvent de la Résurrection, bref à tous les habitants de cette belle île ; même aux animaux, Cloclo la vache, Mouillette l’ânesse et son inséparable ami Pattemouille, le golden. Je viens, comme prévu, aujourd’hui livrer votre ravitaillement en espérant qu’il vous suffise pendant les 6 prochains mois. Je ne resterai pas longtemps à quai car mon bateau n’aime pas la cargaison de guano qui le décore. A Chao Bye, bye amigos !».
Avantscene

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Des Papous se réunissaient au bord de la falaise, autour d'un grand feu pour manger du Port Salut. Plus loin , on voyait de petites embarcations dansant sur les eaux calmes du port. Un chaman rigolard récitait de longues litanies essentiellement constituées de palindromes déclinés en langue papou. Une des épouses du chef de tribu, avec une patte mouille sur la tête , attribut qu'elle tenait de son père, tentait de trouver un peu de fraîcheur dans le jour finissant. Tandis que de petits coléoptères vivement colorés bourdonnaient en proie à une fureur extrême, ce qui avait pour résultat de provoquer un vacarme assourdissant .

Gérard

Développer un fait divers rédigé par Fénéon (tiré au hasard)


Escortée d’un vieillard, Jeanne Ostende, 18 ans a été poignardée dans une caserne de Toulon par le matelot, Victor Michel. 
Temps d'écriture : 15 minutes

Jeanne Ostende se rendit au rendez-vous proposé par son amoureux, Victor Michel. Il lui avait demandé de venir seule avec la somme que lui aurait rapporté la vente de la chevalière qu’elle devait dérober à son vieux loueur.

Tout c’était bien passé au début, elle avait attendu le sommeil de son propriétaire pour subtiliser l’objet qu’il plaçait chaque nuit sur sa table de chevet. Puis elle s’était rendue immédiatement au port où un receleur lui avait remis quelques billets, puis elle avait sauté dans le bus qui la menait à la caserne. A sa grande surprise, le vieux, son imper usé jeté sur son pyjama, grimpa à son tour à sa suite. Il l’obligea à le mener au lieu de rendez-vous sous peine de la coller dehors et de la livrer aux flics. Victor, le matelot, n’apprécia pas cette compagnie, l’accusa de traitrise et la poignarda. La jeune fille s’écroula morte sur et sous le coup.

Le vieux qui n’en demandait pas tant, récupéra l’argent et trouva une nouvelle locataire.

Avantscene


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« Calen, détenu à la prison de Thouars, que venait de manquer une sentinelle, s’est tué en tombant sur des rochers. Il s’évadait. »
Calen regardait autour de lui, haletant : le grand mur, derrière lequel il venait de passer sept ans, dressait sa masse grise. Calen, un petit homme brun un peu dégarni, suait dans sa tenue réglementaire. Il avait profité d’une chance inouïe, l’arme du gardien qui s’était enrayée. Pourquoi, comment ? Celui-ci aurait été bien en peine de le dire. Sous le soleil qui écrasait Thouars et sa prison, il fouillait des yeux les fourrés. Calen le rescapé demeurait invisible. Il s’était tapi dans les broussailles et attendait, l’œil fixé sur la petite silhouette en bleu sombre, là-haut.

Un long moment s’écoula. Immobilité de part et d’autre. Puis, ce fut la relève et le nouveau garde tourna les talons pour marcher vers l’autre extrémité du chemin de ronde. Exultant, Calen déplia ses jambes, se leva tout à fait et entreprit de bondir de rocher en rocher vers…la liberté. Un rocher, un autre, Calen faisait de grands moulinets avec ses bras pour garder l’équilibre. Mais le soleil en face, ce n’est pas l’idéal, vraiment pas. Calen glissa et dégringola de huit mètres sur les rochers en contrebas. Il y laissa sa peau de voleur à la tire, ses dernières illusions et la pensée de sa femme Solange, qui l’attendait dans un petit hôtel des environs.

Fantasio

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Thème : Deux kilomètres de câbles téléphoniques venaient d'être coupés entre Arcueil et Bourg la Reine et quatre autres à Pavillon sous bois.

Une panne d’électricité se généralisait à l'ensemble des quartiers périphériques . Les maisons colorées et pimpantes , ordinairement vivement éclairées, se trouvaient plongées dans une semi obscurité vespérale car le jour déclinait rapidement. Chacun des résidents se demandait ce qui avait bien pu se produire, mais tous l'ignoraient car la panne d électricité, outre de priver les habitants de lumière, leur avait aussi en grande partie ôté leur droit à l'information ; ainsi, la nuit devenait progressivement totale muant les charmants pavillons et leurs habitants en silhouettes fantomatiques auxquelles seule la lumières des chandelles tendait à redonner un peu de vie. Si chacun avait eu connaissance des faits , ce qui en ces temps de coupure de courant se révélait impossible, il aurait été possible de se faire une meilleure idée du fait, sachant que deux kilomètres de fils téléphoniques venaient d'être coupés entre Arcueil et Bourg la Reine et quatre autres à Pavillon sous bois. Sans doute, les auteurs, dans leur infinie négligence avaient-ils également coupés les câbles du réseau d'éclairage, ainsi chacun resterait-il dans le noir sans jamais communiquer autrement qu'avec son plus proche voisin, qu'il s'entende ou non avec lui. C'était vraiment une drôle de journée, toute une population se trouvait projetée dans l'inconnu sans même savoir ni où ni comment s'orienter, et encore doit on préciser qu'il n'y avait aucune inondation, on imagine , non sans effroi, comment se serait déroulée la nuit de gens malheureux , privés de tout et les pieds dans une eau boueuse et glaciale. Mais enfin les services auraient rétabli le courant faute d'avoir pu récupérer les câbles volés et d'avoir pu mettre la main sur les voleurs.


Gérard

dimanche 14 janvier 2018

Journal de bord d'un objet du quotidien

Journal d’un tourniquet du métro
Temps d'écriture : 10 minutes


17 mars
Aujourd’hui nous y sommes tous passés. Maria, la femme de ménage nous a astiqués vigoureusement au vinaigre. Mais bon sang, ça pique ce truc, et elle n’est pas capable de nous frotter avec délicatesse ! Non, elle a une sacrée poigne, elle frotte, elle frotte, elle frotte, pour un peu ça me filerait de l’urticaire !
Mais au moins, aujourd’hui, je brille de mille feux et pourrai faire sensation pour le grand dîner de demain. Cela faisait longtemps que j’étais rangée au placard, je commençais à m’ennuyer.


18 mars
Tadam. Dans la maison c’est la course, tout le monde s’affaire pour le dîner de ce soir. Quatorze personnes, et apparemment des gens importants !
Je serai à l’honneur. Tous les copains sont au garde-à-vous.
J’ai retrouvé Alphonse, le verre à pied en cristal, un bail que je ne l’avais pas vu ! On a pu faire un brin de causette, c’était chouette.
J’ai entendu que madame Délirian serait là avec son mari, l’ambassadeur du Sénégal ! Elle est d’une beauté incroyable. J’espère que je tomberai sur elle, quel délice de pouvoir cajoler sa langue et son palais toute la soirée !


19 mars
Je suis exténuée ! La dîner a duré des heures. Les plats se sont enchaînés de manière quasi ininterrompue. J’ai travaillé comme une folle. Surtout que j’ai été attribuée à M. Jeanneteau, député du centre, qui mange comme un goinfre. Il a repris trois fois de l’agneau, deux fois du riz et quatre fois des légumes. Et puis une sacrée mâchoire celui-là ! On ne peut pas dire qu’il m’ait caressé voluptueusement d’une bouche raffinée et délicate. En plus il avait des bridges et des couronnes partout dans la bouche, c’est beaucoup moins agréable que le contact de belles dents saines.
Enfin, j’aurais pu tomber sur pire. Cyrelle a dû servir toute la soirée ce vieil édenté de Coliard, académicien grabataire. Et c’est Bastian qui a eu la chance de toucher la belle bouche et les savoureuses lèvres de Mme Délirian. Il en est encore tout retourné.

Maria est en retard. Nous attendons tous agglutinés les uns contre les autres dans la cuisine, plein d’huile et de gras. Ça commence à devenir franchement désagréable. Vivement le bain ! Ensuite un peu de repos pour se remettre de la folie des derniers jours sera fort apprécié !
Agnès-Sarah

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Bref, me voilà installé depuis deux ans au métro Havre-Caumartin. Ca va. J’ai des collègues qui friment parce qu’on les a peints en doré et qu’ils bossent à Ranelagh. D’autres sont régulièrement enjambés, voire forcés… je le sais. Ce matin, neuf heures, c’est calme, le plus gros des employés de bureaux, vendeurs et vendeuses de grands magasins, est passé.
Tiens, voilà un retraité, tremblotant, qui pousse tout ce qu’il peut, sans réaliser qu’il doit d’abord retirer son ticket. Bon, ça y est. Suivent trois Japonaises qui piaillent et se bousculent. Qui s’extasient sur ce joyau de la technologie française. J’ai peur à un moment qu’elles ne me prennent en photo, mais non. Voilà une jeune femme et son fils…qui profite de sa petite taille pour se glisser sous moi et passer. Sa mère s’abstient de tout commentaire. Elle me fait tourner d’un geste de vamp et disparaît dans le couloir direction Pont de Sèvres.
Plus personne. Des grondements souterrains, la préposée au guichet qui téléphone, comme à son habitude. Si au moins il pouvait y avoir une poursuite après un « voyageur sans titre de transport », ou une panne de courant, ça me distrairait.


Les heures passent. Cinq heures. Enfin, ça reprend. Mains pressées, mais poisseuses, coups de fesse, de hanche, de genoux, de sac propulsés en avant. Clac, clac et –re-clac ! Je revis !

Fantasio 


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En voilà un qui arrive à toute allure avec sa voiture de sport, je vais me faire un malin plaisir de le bloquer, ça lui apprendra à frimer. Et toc, je m'allume et je demande au feu vert un rab de temps, il ne me plaît vraiment pas ce type. Il regarde sa montre, pianote des doigts sur le volant, tu n'es pas prêt de repartir mon gars, le vert me laisse dix minutes,tu vas devenir fou, tu seras en retard à ta réunion, tu vas te faire engueuler, j'en suis tout rouge d'aise. Allez, les dix minutes sont passées, appuie sur l'accélérateur, mais j'ai prévenu mon copain qui est à cinquante mètres, il va te faire la même. Moi, j'aime faire rougir d'impatience les éternels pressés, stressés, speedés, je ne peux pas les supporter.        
Tiens, une vielle 2CV toute délabrée, ah celle là, je ne vais pas l'arrêter, elle serait capable de ne pas repartir.

            En tous les cas, une vie de feu rouge donne un pouvoir énorme mais le feu vert se sent plus libre, m'a-t-il dit, plus convivial. Quant au feu orange, ce n'est qu'un indécis, jamais de prise de position.

André

La galette en acrostiche

Temps d'écriture : 12+3 minutes

Giraudet
Arthur
Localise
Et
Tue
Témons
Expansifs

M. Rollin, dans son superbe loft près de Bastille, tournait et retournait la carte de visite entre ses doigts. Il avait des affaires, oui, certaines douteuses et il aurait pu, à l’occasion, faire appel à ce tueur à gages, ce…Giraudet. La femme de chambre philippine attendait, concentrée : c’est que son ménage ne se finirait pas tout seul ! M. Rollin fit un double geste, un pour signaler à Léona qu’elle pouvait disposer et, deux,  pour qu’elle introduise le visiteur.

L’entretien fut bref : quand Arthur Giraudet entra, blouson, front bas et regard vif, hop, il sortit une arme de sa poche et revolvérisa proprement son hôte. S’écroulant dans un fracas de verre sur la table basse, M. Rollin eut le temps de réaliser ceci : il était bel et bien témoin dans un dossier en cours, une affaire de pots-de-vin. La routine.

Fantasio


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Grimpe
A
L’échelle
Et
Tire-
Toi
En Australie !


- Grimpe à l’échelle et tire-toi en Australie !
- Je peux pas te laisser là.
- A deux c’est trop risqué. On retrouvera pas de sitôt une occasion comme celle-là. T’inquiète. Allez dépêche-toi, si besoin je ferai diversion.
- Je te revaudrai ça. Je te promets que si je m’en sors, je te laisserai pas croupir là.
Jean esquissa un sourire qu’il voulait paraître confiant et serein, mais ses yeux brillants trahissaient cette vérité qu’il savait inéluctable : c’était la dernière fois qu’il voyait son ami, son compère, son frère d’armes, de cœur et de combat.
Voilà cinq ans qu’ils s’étaient engagés dans le mouvement. Jean et Pablo s’étaient rencontrés à la fac. Jean était un rebelle assumé, une grande gueule, un rouge déjà, qui aimait la transgression, par goût de l’interdit certes, mais avant tout parce qu’il défendait des convictions profondes. Il prit rapidement sous son aile Pablo, plus réservé mais non moins courageux, qui voyait en lui un maître et un grand frère.
Vite inséparables, ils s’opposèrent d’abord à l’autorité universitaire, leur charisme –surtout celui de Jean- ramenant à leur cause nombre d’étudiants qui voulaient réformer le système et construire un monde nouveau.
Mais Jean voyait grand : le mouvement prit de l’ampleur et devint politique. Manifestations, discours publics, actions d’envergure, s’ils se contentaient d’agacer au départ, ils devinrent dangereux. On chercha à les dissuader. Tentatives de manipulation, menaces, puis coups, agressions. Le ton monta.
Eux aussi le durcirent, puis s’armèrent.


Désormais, ils ne cherchaient plus seulement à dénoncer un système politique et social injuste et autoritaire, ils voulaient engendrer une révolution.
Agnès-Sarah

Phrases prises au hasard du livre "Les dimanches de Jean Dézert" de Jean de la Ville de Mirmont


Ecrire un texte avec une phrase de début (Au matin reçu deux lettres) et une phrase de fin (Il est logique que tout ait une fin, quelquefois même en queue de poisson).

Temps d'écriture : 15 minutes


14/01 – Au matin reçu deux lettres : une de mon cousin Paul, m’annonçant son passage à Paris et une autre que je n’ai pas ouverte, croyant avoir reconnu l’écriture.
Suis allé à 17h gare de Lyon, attendre Paul. Des gens, des cris, train en retard, enfin Paul est arrivé. Morose, vêtu de sombre, une valise à la main. N’a pas changé, habite toujours Montlhéry. M’a entraîné dans une brasserie pour boire, moi une bière, lui un café. Ne le supporte vraiment que parce que c’est mon cousin. En plus, il postillonne en racontant sa vie, ses problèmes de couple avec Eliane, ses déboires comme assureur-conseil. N’avons jamais été très proches, même enfants.


A un moment, s’est absenté. En ai profité pour régler la note. Pui, me fouillant, ai trouvé l’autre lettre. Une lettre d’Eliane, expliquant qu’avec Paul tout était fini, qu’elle profitait de son absence pour déménager, qu’elle me chargeait de le lui expliquer. Ai trouvé ça gonflé. Ai bien réfléchi. Finalement, sans attendre le retour de Paul, a laissé la lettre su la table, coincée sous la tasse. Et suis parti.Il est logique que tout ait une fin, quelquefois même en queue de poisson.

Fantasio 


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14 janvier - Au matin reçu deux lettres. C'est souvent le cas, les lettres de Jeanne et de Marie arrivent généralement en même temps, quelque soient les conditions d'acheminement du courrier postal en ces temps troublés ...On peut rester des semaines sans que rien n'arrive jusqu'au Front. Aucune nouvelle de nos proches pendant de longs laps de temps ...et puis un jour des sacs entiers de courrier arrivent un beau matin et nous sont distribuées à l'aube dès notre réveil, comme c'est habituellement le cas.

Quelques soient les aléas de la Poste en cette période de guerre, les lettres de Marie et de Jeanne arrivent toujours en même temps ...Quelle étrange coïncidence! Pourtant, ce n'est que le fruit du hasard, car ces lettres ne viennent pas du même village, et leurs auteurs ne se connaissent pas ...et elles ignorent toutes deux la situation dans laquelle je me suis empêtré...
Effectivement, j'ai rencontré ces deux jeunes femmes à quelques jours d'intervalle, quelques semaines avant que la guerre n'éclate. Et je suis tombé fou d'amour des deux demoiselles. Comme ça. Instantanément. De la brune Jeanne au rire cristallin et aux yeux étoilés et de la blonde Marie éternellement en questionnement avec elle elle-même et le monde.
Je n'ai pu choisir. Ce sont elles qui m'ont cueilli. 
J'ai vécu les plus belles semaines de ma vie à papillonner de l'une à l'autre avec toute l'insouciance et l'intensité de nos 20 ans.On sentait que la guerre allait éclater , alors le climat était à l'excès ...
Lorsque la guerre a été déclarée, j'ai été réquisitionné très rapidement sur le Front de Verdun ...et la correspondance avec ces deux jeunes femmes a démarré. Les lettres se sont enflammées au fil des semaines ...la peur de la mort, le manque et l'absence ont décuplé les sentiments de part et d'autre ...Je me suis laissé porter par ces deux amours si réconfortant dans cette tranchée de boue que je ne quittais pas. J'ai promis à la brune comme à la blonde, le mariage à la fin de la guerre. J'étais persuadé que je ne reviendrai jamais chez moi. Mes promesses me semblaient bien légères...
Nous étions à présent le 14 janvier 1918, on sentait tous que la guerre touchait à sa fin. Tous mes camarades ne pensaient qu'à ça, au retour dans leurs familles adorées! Je devais me rendre à l'évidence : mon retour était inévitable, à moins qu'une balle perdue n'aille se nicher au creux de mon cœur de lâche. Dans ces derniers mois d'affrontement avec l'ennemi, je commis toutes les imprudences possibles pour mourir sur le champ de bataille. J'étais maudit : la mort ne voulait pas de moi. Je regrettais d'être en vie, d'avoir survécu. Il m'était à présent inévitable de rentrer ...
Il est logique que tout ait une fin, quelquefois même en queue de poisson.

Ziza



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14 janvier
Au réveil, reçu deux lettres.
Je fis durer le plaisir. Je décachetai la première en goûtant mon thé, et ne déroulai le papier qu’après avoir avalé la première tartine beurrée.
Joséphine, une jeune étudiante, m’y exprimait toute son admiration et l’inspiration que j’éveillais en elle. Elle louait mon courage, ma détermination sans faille, le caractère incisif et percutant de ma plume, et l’aplomb dont il m’a fallu faire preuve pour tenir bon face à ces assemblées d’hommes qui voulaient me faire taire, à ces campagnes médiatiques qui me traitaient de folle, de sorcière, de monstre, qui dénaturaient mes propos, mon combat, avant que celui-ci, bien plus tard, ne fut enfin presque unanimement reconnu et célébré.
Elle ignore combien de fois j’ai pleuré seule dans mon lit, combien de fois j’ai falsifié mon visage et travesti ma voix pour paraître confiante et affirmée, alors qu’intérieurement je tremblais, je doutais, j’étais terrifiée. Combien de fois j’ai failli tout abandonner.
J’attendis la fin de matinée avant d’ouvrir la seconde lettre, puis, n’y tenant plus, je la décachetai au coin de la cheminée. C’était de la réclame pour une nouvelle cuisine.
17 janvier
J’ai passé deux jours alitée. Une méchante bronchite qui m’a épuisée.
Aujourd’hui je me sens mieux. J’ai même pu écrire quelques lignes. J’aimerais terminer ce roman avant de m’en aller. Ce sera probablement le dernier.
19 janvier
Aujourd’hui on m’a informée que je recevrai un prix pour récompenser mon combat. Je suis officiellement invitée au Secrétariat d’Etat chargé de l’égalité entre les femmes et les hommes.
Voilà bien longtemps que je n’ai reçu pareille distinction. Je suis touchée de ne pas être totalement oubliée, même si je doute que les journaux ne relaient l’information. La jeune génération ignore bien jusqu’à mon nom. Mais qu’importe, l’important est que le flambeau soit aujourd’hui repris, et j’ai désormais bon espoir pour l’avenir. Quant à moi, j’ai donné ce que j’ai pu. Je ne crois plus avoir grand-chose à apporter. Il est logique que tout ait une fin –quelquefois même en queue de poisson.
Agnès-Sarah