99 mots et expressions à foutre à la poubelle :
"Jean-Loup Chiflet suggère d'ouvrir la chasse aux mots flous et vagues, creux et inutiles, qui polluent, qui irritent, bref, qui agacent notre langue au quotidien ! Il s'inscrit donc en faux contre ce n'importe quoi qui le gave grave, si vous voyez ce qu'il veut dire, Voilà. C'est clair ? Y a pas de souci ? Alors, bon courage ! À plus ! Et bonne fin de journée !"
J.L. Chiflet fait la chasse à ces mots, je vous propose de nous amuser avec eux, nous piocherons largement dans cette liste (pas obligé de tous les utiliser, mais le plus possible) et pourrons écrire une histoire, un slam, un poème, ce qui vous tente.
Saurez-vous les retrouver dans les textes ci-dessous?...
__________________________________________________________
Sortie en territoire incertain
Ce n'est pas parce que les circonstances sont extraordinaires
qu'il ne faut pas mener une vie normale. Moi, personnellement, qui suis un
citoyen lambda, depuis que je suis sur Paris, chaque jour je sors de chez moi,
et je me dirige vers l'arrêt de bus. Sans trop y croire, à dire vrai. Parce
qu'à cette station, la problématique est toujours la même : c'est qu'il
n'y a jamais de bus. En règle générale, il n'y a pas photo, il vient de passer,
ou bien il n'est pas encore là.
Et, au jour d'aujourd'hui, je n'ai toujours pas pu
solutionner ça, apprendre à gérer le truc - arriver pile au moment où il tourne
le coin de la rue, ou un peu avant qu'il ne redémarre, que je n'aie qu'à courir
un peu pour l'attraper. Et ça, je peux vous dire que ça me gave. Grave !
Mais cette fois, là, sur le panneau, je vois quelque chose
qui m'interpelle. Un chiffre, et même un nombre puisqu'il y a deux chiffres,
qui m'oblige à m'inscrire en faux contre mes propres prévisions : 05
minutes ! Carrément du jamais vu, le syndrome de la nouveauté m'éclate à
la figure, au point que je commence par ne pas y croire. Je vérifie, et oui, ça
se confirme, on lit maintenant 4 minutes, il a passé un peu de temps depuis ma
première lecture.
Voilà une vraie bonne nouvelle, c'est carrément un signal
fort, pour une fois y' a pas de souci, dans quelques instants je vais être
transporté sans retard. Je sens que ça va booster ma journée, pour une fois je
ne vais pas devoir me contraindre à positiver, en me disant que ce bus que j'ai
raté il était sûrement plein, je serais resté debout, dans le prochain je
pourrai m'asseoir, et même du côté de la fenêtre...
Là-dessus, je jette un nouveau coup d'œil au panneau, et je
m'aperçois que le véhicule annoncé, ce n'est pas le mien, j'avais mal lu le
numéro... ! La honte, si vous voyez ce que je veux dire ! - C'est
quand même énorme, non ? - D'autant que, va comprendre, tout à coup, voilà
MON bus qui déboule, alors même qu'il n'était pas annoncé !
Eh bien, je n'ai pas cherché plus loin : je suis monté
dedans, point barre.
Alain
____________________________________________________________
QUE DU BONHEUR !
Je
suis un très vieil homme. Si, si ! La preuve, je suis à l'Académie Française :
j'ai écrit un nombre incalculable d'articles (pour le Monde et Télérama) et
plein de livres que personne ne lit plus. Enfin presque. J'apparais parfois
dans les manuels scolaires, pas loin
d'Ernest Pérochon et quand ils voient passer mon nom, la plupart des écoliers
s'écrient : "Ah, non, pas lui !"
J'habite
à St-Germain-des-Prés, bien sûr, le quartier des éditeurs, même si ils ne se
bousculent plus pour m'éditer. Du coup je passe beaucoup de temps à ne rien
faire et surtout ... j'écoute les infos à la télé et je me gave de mots
"dans l'air du temps", et de phrases bateau.
Il
y en a des kyrielles et je savoure chacune d'elle pour son côté à la fois
définitif et dérisoire.
Or, récemment, j'ai fait un rêve : j'étais devenu tout petit ... et voilà
soudain que je me suis retrouvé dans un dictionnaire. Pas celui de l'Académie,
non, un Larousse ou un Robert de série.
J'allais d'un mot à l'autre et, me trouvant alors au pied de la lettre,
mais laquelle ? ... j'ai vu venir vers
moi des expressions me suppliant de ne pas les prendre. J'écarquillai les
yeux, me demandant le sens de tout
ça.
D'abord,
il y en a une qui m'a demandé : - Ça va comme vous voulez ? J'ai réfléchi à ce
que je voulais ... et, en fait, oui, je voulais aller. Où ? Je n'en sais rien
mais une autre arrivait pour me suggérer que tout ça allait droit dans le mur
et effectivement le mur, embouti, s'est écroulé manquant de peu une bande de
mots braillant : Nous sommes des
franco-français ! Des franco-français ! le tout entre deux solides guillemets
qui semblaient là, avec le classique geste des doigts, pour encadrer tout ce
beau monde.
-
Y'a pas photo ! Hurlait un dessin ... ceci expliquant sans doute cela.
Plus
loin, il y avait une sorte de guichet marqué "Faux", auprès duquel
une cohorte faisait la queue, visiblement pour s'inscrire. Et c'est au moment
où a retenti un signal vraiment fort,
presque assourdissant, que tout s'est mélangé dans ma tête : Voilà que des
virgules sont apparues en hurlant qu'il n'y avait pas guillemet ! Une voix échappée d'une télé-réalité
affirma : - Ça va comme j'ai envie de
dire ! tandis qu'une pub en folie envoyait un signal forto-français à des
téléspectateurs qui s'inscrivait tous dans le mur ... dans l'espoir, vite déçu,
d'aller en faux.
Positivement,
je ne savais plus où me mettre : un consensus iconoclaste impactait, après
l'avoir instrumentalisé, l'individu que
j'étais.
Ce
n'était ni fait ni du jamais vu.
Bonjour
le casting ! On frôlait l'erreur d'ambiance.
Il
n'était que temps de Chifler la fin du rêve. Et c'est ce que j'ai fait.
Je
me suis extirpé du lit (il était huit heures) et j'ai rejoint ma femme qui
prenait son petit-déjeuner dans la salle à manger. - Tu sais, lui ai-je lancé,
j'ai eu une idée : j'ai envie de faire une sorte de recensement de ces
expressions toutes faites qu'on entend partout ...
- Ne te fatigue pas, coupa-t-elle.
- Ne te fatigue pas, coupa-t-elle.
Posant sa tasse, elle me montra, d'un
index distrait, un petit livre posé sur la table : "Liste des 99 mots et
expressions à foutre à la poubelle". Je jetai un coup d’œil au nom de
l'auteur et explosai :
- Ton Jean-Loup Machin, il commence à me
gaver !
Gérard
_______________________________________________________________
_______________________________________________________________
Rien à jeter !
On l’appelait Lambda
Vous voyez ce que j’veux dire ?
Rien, quelconque, j’te raconte pas.
Y’avais erreur de casting, ou pire.
Franco-français, brut de fonderie
C’était pas Buzz l’éclair.
Mais « hé Lambda, c’est clair » ?
Il était mythique dans not’ ghetto,
Y’a pas de souci si y’a pas photo.
Lambda, guetteur dans l’ghetto.
P’tits trafics de produits festifs
Bien gérés, fallait du pif
Pour les optimiser et rebondir,
Globalisation, j’ai envie d’dire.
Mais pas de traçabilité
Pour les keufs, seulement pour les usagers.
C’est là que not’ citoyen Lamda
Venait sécuriser l’espace 9-3
L’individu avait sa feuille de route
Habillé comme un senior
Et nominé pour éviter la banqueroute.
Voilà le réveil du Ténor !
C’est qu’il aimait causer
L’individu ! Un problème sociétal ?
Un clivage ? Peau de balle !
Les keufs arrivaient, il les accueillait sourire jovial.
« Ca va comme vous voulez ?
Des coups de feu ? N’importe quoi !
Y’a pas plus tranquille, croyez-moi.
Que du bonheur dans le quartier,
Voyez le nouveau parc pour jouer à la baballe
Du jamais vu, du social…
La mairie a donné un signal fort
A solutionné les rapports
Tout va bien, c’est un réconfort !
Bonne continuation, bonne journée ! »
Et tout redevenait calme, posé
Seul restait le bruit du frottement des billets échangés.
Patricia
___________________________________________________________
16 jours / 16 mots
Le président : « D’accord pour le confinement mais il va falloir m’optimiser tout cela. »
Un conseiller : « N’importe quoi ! Comment pouvez-vous encore parler d’optimisation alors qu’il est question de santé publique ! »
Le président : « Tout à fait, on ne va pas les laisser assis sur leurs canapés pendant un mois, je vous rappelle que cela nous coûte un pognon de dingue cette histoire ! Qu’ils se confinent en allant travailler !»
Un conseiller : « C’est incompréhensible… comment peut-on parler de confinement tout en incitant les citoyens à aller travailler… Nous sommes les seuls à porter cette mesure bien franco-française. Il ne serait pas étonnant que certains disjonctent… »
Le président : « Parce que vous croyez que j’ai du temps à perdre avec cela ? Assurez-vous simplement que ce moment ne soit pas festif et qu’ils continuent à travailler ! »
Un conseiller : « Non, je ne vous aiderai plus à formater les esprits, je refuse ! »
Le président : « Vous refusez ? Apprenez que la personne lambda n’est pas en mesure de comprendre ce que nous faisons.»
Un conseiller : « Non, non, c’est justement l’opportunité de renouer avec chacun et d’habilement tourner la page de cette année de contestation, vous voyez ce que je veux dire ?»
Le président : « C’est comme je le dis, point barre ! »
Un conseiller : « Vous n’écoutez personne… La grogne monte dans le pays et nous exposons au monde notre pénurie de masque et nos milliers de ressortissants bloqués à l’étranger, vous y avez pensé ? »
Le président : « On va optimiser cela… »
Un conseiller : « Vous n’optimisez rien du tout, vous faites mine de chercher des solutions bancales sans consensus ! »
Le président : « Nous avons perdu près de 30 ans de capitalisation, vous vous rendez compte ! c’est juste impensable ! Il nous faut préparer le rebond. Pour cela il faut les faire travailler plus ! Effectivement, si vous n’êtes pas capable de le comprendre, vous n’avez plus rien à faire ici. »
Une voie féminine à peine perceptible : « Emmanuel ! t’es où ? C’est l’heure de ton goûter ! »
Le président : « Retenez bien que j’ai été élu, c’est moi qui décide ! »
Juan
___________________________________________________________
Point barre!
La crise que nous traversons actuellement est surtout
sanitaire mais également sociétale. C’est du jamais vu !
Jamais le terme de globalisation n’aura été aussi adapté à cette
situation si spécifique et si problématique à solutionner.
Que l’on soit Black dans le 9.3 ou que l’on
fasse partie du microcosme parisien (« On est sur Paris »),
chaque individu de l’Hexagone est impacté par la dangerosité
de la pandémie, et tout particulièrement nos seniors directement
concernés !
La feuille de route du gouvernement fait beaucoup causer
à ce sujet, et le clivage entre citoyens est palpable.
Au jour d’aujourd’hui, les plus hautes instances se
sont penchées sur ce point délicat pour gérer la situation de nos seniors.
Mail il faut bien le dire, ce n’est ni fait, ni à faire :
on va droit dans le mur ! Placer nos anciens dans « un
ghetto » (entre guillemets, je précise), en les isolant
totalement, n’est pas un consensus acceptable. Sécuriser de cette
manière la santé de nos anciens reste très limite tout de même ! Le
gouvernement a voulu lancer un signal fort mais moi personnellement,
je trouve que c’est du n’importe quoi !
L’isolement social est un crime : nos seniors ne
mourront assurément pas du Covid-19 mais de solitude…car on sait que seul le
lien social maintient en vie ces personnes très fragilisées.
Il faut trouver sans tarder un consensus sans pour
autant s’inscrire en faux vis-à-vis du devoir de protection des plus
faibles.
Mais je m’interroge : n’y a-t-il pas une erreur de
casting au niveau de notre grand référent national pour gérer
et solutionner cette crise inédite, alors que tout le corps médical
était dans la rue cet automne pour rendre compte de l’état de délabrement de
notre système de santé public, sans être écouté, ni même entendu ?...
Bon courage, j’ai envie de vous dire !
A très vite,
Un citoyen lambda
Ziza