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La proposition du jour => écrire un texte contenant tous les mots ci-après (donnés par les écrivants du groupe ) :
Arbre / coin de rue / dormir / tourner / escapade / Romorantin / Paulette / frigo / chasseur-cueilleur / liberté.
Une contrainte supplémentaire pour ceux qui le veulent : un autre texte avec la contrainte du sous-genre littéraire "policier".
Une contrainte supplémentaire pour ceux qui le veulent : un autre texte avec la contrainte du sous-genre littéraire "policier".
Quel lundi !
J'habite Romorantin. Je sais ce que vous allez dire : rien que les quatre syllabes sont désespérantes. Et la vue, donc. Du premier étage où j'habite je vois une place avec un arbre et un banc vert où les vieux viennent à l'occasion se poser pour discuter ou regarder passer d'autres romorantinais ou romorantinois, je ne sais même pas comment on dit ! J'ai trente-trois ans et je touche un RSA aussi maigre que l'arbre de la place. Qu'est-ce qui me reste à faire ? Dormir pour oublier ... ou bien taper dans le frigo, m'enfiler des bières qui finissent par mélanger les choses, me faisant sombrer dans l'hébétude.
Heureusement, il y a Paulette. Il suffit que je me lève (sur le coup des onze heures, quand même !) que je m'habille en hâte, que je dévale l'escalier pour l'apercevoir au coin de la rue. Là, je fais le fier : je ne vais pas directement vers elle, je tourne un peu, je me traîne jusqu'au kiosque où je fais mine de regarder les journaux. Puis, à pas lents, je reviens vers ses bouquets de roses, de tulipes et de glaïeuls.
- Bonjour, Paulette ! Ca va ?
- Et si t'allais travailler, feignasse !
- Paulette ...
- Quoi ? J'ai pas raison ?
C'est comme ça que je l'aime, ma marchande de fleurs : nature, ne se payant pas de mots ! Elle a bien vingt-cinq ans de plus que moi, pourtant je rêve : je rêve parfois de lui proposer une escapade à la campagne. On se baladerait dans les prés, on jouerait les chasseurs-cueilleurs en ramassant de pleines brassées de fleurs. Ou des fruits, pourquoi pas ? Je ne lui prendrai pas la main, bien sûr, on serait comme deux copains de classe ... dont une aurait un peu redoublé !
Ce serait comme qui dirait la liberté.
Allez, c'est décidé, aujourd'hui, je lui en parle :
- Dites donc, Paulette ...
Elle extrait un visage rougeaud du col de sa parka :
- Qu'est-ce qu'il y a, voyou ? Tu veux me faire une proposition malhonnête ?
- Euh ? Non ... non ! Je vais ... je vais vous prendre une rose, tiens, une rose rouge !
- C'est pour ta mère ?
Elle me tend la perche. J'hésite à lui murmurer :
- Non ... pour vous !
En réglant la rose avec mes derniers euros, je pense à trop de choses. Je la serre donc contre moi (la rose, pas Paulette !) avant de m'éloigner à pas lents.
Et je prends pour la énième fois le chemin de Pôle-Emploi. Sait-on jamais, après tout ?
Gérard
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L'incroyable voyage de Paulette
A force de passer des heures à tourner dans son appartement, avec pour seule occupation de contempler - contempler, c'était d'ailleurs beaucoup dire, tant l'objet manquait autant de charme que d'intérêt - cet arbre déplumé au coin de la rue, Paulette ressentait un dégoût comme jamais elle n'en avait connu.
Bon ! Inutile de s'hypnotiser davantage sur ce truc, décida-t-elle. Elle ouvrit d'un geste ferme la porte du frigo, inspecta l'intérieur... S'emparant d'un vieux morceau de fromage qui traînait là, elle retourna s'asseoir sur son canapé. Elle avait remarqué que le fromage, et en particulier le Saint-Nectaire, exerçait sur ses capacités de réflexion un effet stimulant qu'il aurait été dommage de négliger.
Ceci posé - comme chaque fois qu'elle s'aventurait dans cet ustensile qui se parait du titre ronflant, mais justifié, de réfrigérateur - le tout n'était pas de penser, mais de penser quelque chose. Alors, ma vieille, s'interpella-t-elle, sans autre ménagement.
Alors ? Oui, il fallait avancer, inutile de continuer à dormir en prétendant qu'on vivait. Elle croqua une bouchée de fromage, la fit tourner sept fois dans sa bouche... et la lumière jaillit : elle allait partir pour Romorantin ! Oui, une escapade même de courte durée dans ce coin où elle n'était jamais allée changerait les perspectives plutôt moroses de sa vie actuelle...
Romorantin, c'était la solution - Là-bas, ce serait bien le diable si elle ne croisait pas la route de quelque chasseur-cueilleur en liberté, un de ces hommes des bois adepte des traditions séculaires de notre beau pays. Il poserait successivement : son regard sur elle, et sa massue en bois de châtaignier. Il repousserait de la main le paquet d'étoupe lui servant de cheveux (et qui avait l'air de ces dreadlocks qu'arboraient certains de ses lointains descendants).
Il se dirigerait vers elle, lui sourirait en tendant les bras... - Au pire, s'il était pris ailleurs, il n'était pas impossible qu'elle tombe sur un charcutier-métreur, ou un penseur-géographe... Même un couvreur-trigonométricien ferait l'affaire : elle n'allait pas jouer les difficiles, du reste pourquoi mépriser telle ou telle catégorie professionnelle ? Chacune n'a-t-elle pas ses qualités et même sa noblesse ?
Alain
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Un week-end sauvage
Paulette n’en pouvait plus
de tourner en rond dans son petit deux-pièces situé sur la
Buttes-aux-Cailles. En plein confinement depuis maintenant 27 jours, elle ne
supportait plus de passer ses journées à errer entre son frigo et son
canapé qui n’avait plus d’âge. Sa balade réglementaire d’une heure quotidienne dans
son quartier (qu’elle avait toujours adoré jusqu’alors) l’insupportait à
présent au plus au haut point car elle ne croisait dorénavant plus personne et
les vitrines des boutiques étaient dissimulées derrière les rideaux de fer.
Paulette rêvait de liberté,
comme elle n’en avait jamais rêvé jusqu’alors ! Elle s’imaginait occuper
ses journées en mode chasseur-cueilleur et dormir la nuit aux
pieds des arbres après avoir contemplé le ciel étoilé… Bref, une vie à la Robinson Crusoé !
Alors, sans réfléchir, Paulette sortit en trombe de chez elle et sauta
dans sa Twingo bleu ciel garée au coin de la rue, et sur un coup de
tête, partit s’offrir une escapade en Sologne : direction Romorantin !
Ziza
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BUS 309
Romorantin 8h15
Bondé chaque matin. Place assise tout de même. Toi aussi. Si près, si loin dans tes rêves, dormir encore. Chaque cahot , nous bougeons ensemble ; chaque remarque prononcée par la foule multicolore, tu l’entends comme moi. Nous partageons ces moments. Tu tournes la tête, ton regard se perd dans les arbres fleuris de notre chemin commun. Tu frissonnes. La clim, un vrai frigo ! Je voudrais couvrir tes épaules de chaleur.
Arrêt brusque, bousculade, bras tendus, chocs… Nous sommes lassés d’être là, pourtant je partage ces heurts avec Toi, tu ne me vois pas, je te souhaite.
Règles de vie en société, peur du regard de l’autre. On le fuit.
Fuir, escapade, ailleurs. Tu es ailleurs, tu as quitté le 309, disparue au coin de la rue…
T’appelles-tu Sophie, Paulette ou Laetitia ? Es-tu architecte, coiffeuse ou actrice ? Vis-tu seule dans un loft ou souhaites-tu partager la vie d’une tribu de chasseur-cueilleur ? Aimes-tu que le vent caresse ton visage ?
Peu importe, tu as retrouvé ta liberté en descendant du 309.
A demain.
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LA FLECHE
Il s'appelait Paulette, Etienne Paulette, pour être plus précis. La cinquantaine fatiguée, il avait bourlingué un peu partout, spéculé à New-York, joué les chasseurs-cueilleurs en Amazonie. Il avait même fait des escapades au Kamtchatka et, à présent, vivait retiré à Romorantin. Il semblait limiter ses sorties à de vagues courses pour remplir son frigo et ne parlait à personne. A peine le voyait-on, parfois, à un coin de rue, lancé dans une discussion sur les arbres avec les jardiniers municipaux.
Cet homme était un mystère et sa mort le fut plus encore : on le retrouva, un matin, allongé devant chez lui, une flèche empoisonnée dans le dos.
L'enquête suivit son cours. On devait découvrir à Etienne un neveu, qui vivait à Paris et qui fit, pour l'occasion, le voyage à Romorantin. Gros garçon mou aux baskets jurant avec son costume noir, le neveu n'était pas fûté : il se troubla aux interrogatoires et il s'avéra qu'il avait accumulé les imprudences, allant jusqu'à conserver le billet de train qui lui avait servi à rendre visite à son oncle la semaine précédente.
Le but du meurtre ? L'héritage, bien sûr. Le moyen ? Une flèche appartenant à la collection de M. Paulette que le neveu, au moment des adieux, lui avait lâchement planté entre les omoplates.
La justice a estimé que le principal suspect devait dormir en prison. Retrouvera-t-il un jour la liberté ? Comment tout cela va-t-il tourner ? Le procès, très attendu, le dira.
Déjà, il se murmure qu'Etienne Paulette avait eu plusieurs fois maille à partir avec un de ses voisins, un Péruvien, membre d'un club de tir à l'arc. Des menaces avaient été proférées et l'homme avait, depuis, disparu.
Par ailleurs, car rien n'est simple, il s'avère que Kevin, le neveu, a traversé des périodes où il se prenait pour un sorcier Toltèque. A suivre, donc.
Gérard
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Paulette au rendez-vous
Paulette s'en voulait d'avoir accepté ce rendez-vous, sous leur arbre habituel, celui où ils avaient eu l'habitude de se retrouver il y a près d'un siècle, avant que Pedro ne soit contraint à passer son temps « au frigo » - c'est ainsi qu'il appelait la maison d'arrêt de Romorantin, où il avait passé plusieurs années à rêver à la liberté, liberté chérie ! A ne dormir que d'un œil, au cas où une occasion de partir en escapade vers le vrai monde se présenterait.
Son métier de chasseur-cueilleur, c'était carrément pour lui une vocation : il l'exerçait avec passion, cherchait sans cesse à améliorer sa pratique, par une formation continue exigeante... qui ne l'avait pas empêché de tomber stupidement, le jour où une femme, non seulement s'était refusée à le laisser cueillir son sac à main, mais s'était mise à le frapper - lui ! - avec ce même accessoire, qui soit dit en passant paraissait lesté de plomb. Il n'avait pas supporté cette transgression des règles usuelles du savoir-vivre, et s'était vu obligé de réagir. De façon apparemment disproportionnée, puisque la lutteuse en était morte, et qu'il avait été envoyé à l'ombre. Bien avancé... !
Plus elle y pensait, et elle avait le temps puisqu'à son habitude il était en retard, moins Paulette avait envie de la voir tourner le coin de la rue, et lui adresser son habituel sourire charmeur. Il avait réussi à se sortir de là, très bien, tant mieux pour lui. Mais recommencer leur vie d'avant, ah ! Non, merci bien... !
Tout en lui souhaitant intérieurement toute la chance du monde, Paulette se décida. Elle s'éloigna tranquillement, dans la direction opposée à celle par laquelle Pedro allait arriver.
Alain
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