Ecrire un texte commençant par "C'est génial d'avoir ces moments dans la vie où tout bascule"
Temps d'écriture : 12 minutes
C’est génial d’avoir ces moments dans la vie où tout bascule. Ces moments où les extrêmes s’attirent, la mort laissant place à la vie. La vie nourrissant le renouveau de l’envie. Lorsque la mort m’a gouverné et que j’ai choisi de me réparer. J’ai eu cette folle envie de la défier. De m’offrir à elle, qu’elle ait cette illusion de me posséder. J’ai choisi d’affronter son vide par un vide. A 4000m, basculant dans l’infini, j’étais à sa merci et j’en ai ri de plaisir. Ce saut mettant fin à son emprise, c’est ce qu’il y a de génial, j’ai basculé dans la vie ou plutôt, j’ai commencé à vivre.
Juan
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Un jour de promenade nocturne en un lieu sombre , je crus que j'étais suivi et c'était bien la vérité. Je me trouvais à la campagne, longeant les prés alors que la nuit enveloppait le paysage. Je me crus en contact avec la nuit ancestrale , celle que l'on ne peut imaginer dans les villes, à la fois fascinante et inquiétante, procurant des sensations inhabituelles. Seul un léger vent soufflait , je me savais suivi je ne savais pas par qui ni par quoi. Aussi décidai-je de me dissimuler ; je vis un petit buisson qui me servit de cachette. C'est alors que je l'aperçus lui-aussi essayant de se faire le plus discret possible. Je le vis nettement à l'aide de ma lunette de vision nocturne . Il s'agissait d'un magnifique renard qui semblait vert à cause de l’optique que j'employais, mais je le vis distinctement. En fait, il ne se méfiait pas , peut-être n'était-il pas conscient que je l'observais moi – aussi. Sa déambulation me fascinait , le prédateur cherchait à se procurer de la nourriture et chassait de petits animaux. Je me suis rappelé à cet instant de la place donnée au renard dans les contes et les fables, je me suis dit qu'il était génial d'avoir un moment dans la vie où tout pouvait ainsi basculer, où l'on pouvait opérer une sorte de recul pour se propulser dans la nuit des temps. Ce fut un intense moment.
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C’était
un jeudi, le 12 mai, il y a 4 ans, 3 mois et 2 jours.
Ce matin-là, je me suis levée comme
tous les matins, à 6h30. A peine mes dix minutes rien qu’à moi sous la douche,
et le marathon démarre : réveil des enfants, petit-déj, cris, pleurs,
chamailleries, dépose en retard à la crèche, dépose en retard à l’école, et
arrivée en retard au boulot. Comme tous les matins.
Mais ce matin-là j’étais encore plus
mal que d’habitude. Je commençais à ressentir véritablement ce sentiment de
désespérance et d’amertume qui s’emparait de moi avec de plus en plus de force
et de ténacité de jour en jour. Je commençais à devenir un robot lobotomisé,
mais un reste d’humanité subsistait encore suffisamment en moi pour y éveiller
une lueur de conscience. Ma vie était à chier, et j’étais malheureuse comme les
pierres, c’était un fait.
Jusque-là, j’avais tout fait comme on m’avait toujours
dicté de faire : mes parents, mon mari, la société. Etudes dans un secteur
d’avenir, boulot rémunérateur dans une ambiance compétitive et individualiste,
engagement avec un homme qui « partage les mêmes valeurs » et qui
plaît à mes parents. On se raconte que tout va bien, qu’on est heureux, pour
mieux s’en persuader, on multiplie les vacances à la montagne, aux Seychelles,
au Caraïbes, puis un coup de folie exotique : le Népal. Mais malgré tout
comme la routine immanquablement s’installe : mariage, un enfant, puis un
autre, puis l’enfant de la dernière chance.
Comment remplir le vide de notre existence, l’ennui,
le malaise, l’incompréhension. Fuir le face-à-face avec l’autre, et surtout
avec soi-même.
Ce matin-là en arrivant au boulot, j’étais blasée
au-delà de tout, de ce fatalisme qui pollue la vie des gens et dont personne ne
réalise que nous détenons nous-mêmes les clés de cette prison.
Assise à mon bureau devant mon ordinateur qui me
narguait, je songeais que j’en avais encore pour trente-et-un ans dans cette
boîte, pour quinze ans à faire les lessives, les courses, le ménage, la bouffe,
les devoirs, les sorties scolaires, les rendez-vous chez le médecin, le
dentiste, l’orthodontiste, le kiné, pour toute la famille, et le reste de ma
vie pour encore me mentir à moi-même.
Je tournai la tête vers le dehors et mes yeux
tombèrent alors sur une affiche : « Tu es l’écrivain de ta propre
vie. Reprends ton pouvoir », y était-il inscrit.
Je crois que c’est à cet instant précis qu’un tilt se
produisit en moi.
Aujourd’hui, je suis prof de yoga dans le Limousin, où
je vis au sein d’une communauté post-hippie qui élève des chèvres, peint, joue
de la musique, écrit, et aime beaucoup. Je passe six mois de l’année en Inde ou
à Bali, et partage ma vie avec un petit jeune qui m’adore et que j’adore. Mes
enfants sont épanouis, et moi je suis enfin moi-même.
Agnès-Sarah